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Capítulo 2

Capítulo 1 | Fanfictions | Notes d'écriture | Extra 1 (TBA) ⏵

Avertissement de contenu
  • Langage grossier
  • Non respect de l'intégrité et l'autonomie des androïdes. Rien ne va au-delà de ce qui se passe dans le canon, la seule différence est que la narration décrit ce qu'il se passe dans leur tête donc ça rend la chose potentiellement plus violente. Voici la liste pour ce chapitre:
    • On force unE androïde à se déplacer quelque part contre son gré.
    • Non respect de ses limites (à savoir des gens s'introduisent dans sa chambre sans son consentement)
    • Maltraitance de Dóminus et Charlie envers Luz (encore une fois équivalent au canon pour Dóminus, et c'est équivalent pour Charlie)
  • Relation mère/fille compliquée (Inés et Sofía)

Aujourd'hui, comme tous les samedis, le Cyber Bytes est bondé de monde. Tamara a du mal à se frayer un chemin jusqu'au comptoir, où elle se retrouve nez-à-nez avec un Christian complétement débordé.

"Salut! Margarita n'est pas là?" demande Tamara.
"Hey Tam. Non, elle est partie voir mamie donc on s'occupe du Cyber avec Delfina. Franky devrait bientôt arriver pour nous donner un coup de main."

Encore cette Franky. Au moins Tamara a réussit à arriver au Cyber avant elle, ça lui donne un semblant de répit.

"Pourquoi vous avez demandé de l'aide à la nouvelle et pas à moi? Je connais le Cyber comme ma poche, j'ai pratiquement grandit ici."
"Parce que Franky s'est proposée avant et qu'on sait que tu l'aimes pas trop donc on voulait pas t'embêter." répond Delfina en sortant de la cuisine avec un plateau de muffins au citron qu'elle tend à son frère.
"C'est pas que je l'aime pas. J'aime juste pas qu'elle vienne se mettre dans notre groupe, c'est tout."
"Tu dis tout le temps ça dès qu'on se fait unE nouvelleau amiE." rigole Delfina. "T'étais pareil avec Loli quand elle est a rejoint le groupe."
"Oui Loli, et puis Iván, et puis Mariano..." liste Christian.

Tamara sent ses joues rougir. C'est vrai qu'elle est toujours sur ses gardes quand de nouvelles personnes arrivent dans leur groupe, mais ses angoisses lui paraissent justifiées. Imaginez qu'un jour s'amène quelqu'un que tout le monde juge meilleurE qu'elle, et qu'elle soit forcée de quitter le groupe? Cette perspective hante tellement son esprit qu'elle est obligée de le verbaliser de temps en temps pour lâcher un peu de lest.

"Ouais bon j'ai compris. J'aime juste pas qu'elle devienne amiE avec tout le monde aussi vite. Même l'autre nouvelleau est tout le temps avec elle."
"Luz?" demande Delfina avant de repartir en cuisine. "Moi je pense qu'iel est tout le temps avec Franky parce que Franky est tout le temps avec Chris."
"Hé! Je suis pas tout le temps avec Franky..." rétorque Chris avec un sourire.

C'est pas facile de se faire remplacer comme une vieille chaussette, pense Tamara. Elle ne pensait pas qu'une nouvelle élève puisse prendre sa place comme ça.

Cela dit, Tamara est plutôt habituée à devoir subir les hordes d'adolescentEs de tous genres qui passent leur temps à tourner autour de Christian. C'est juste qu'en général il ne leur accorde pas le temps qu'il donne à cette Franky. Tamara a vraiment l'impression de perdre son meilleur ami.

"Bon, en tout cas Franky n'est pas là et on dirait que vous avez besoin d'aide." propose Tamara en chassant ces idées sombres de son esprit. "Vous avez besoin d'aide en salle ou en cuisine?"

Christian lui sourit pour la remercier et lui tend un calepin et un stylo. Tamara est juste heureuse d'être encore utile à ses yeux.


Luz aide les deux scientifiques à se relever doucement, tout en effectuant un second scan pour être sûr que tout va bien. À part les deux maux de têtes qui viennent d'apparaître sur les résultats de l'analyse, iel ne leur trouve rien d'autre de nouveau.

C'est la première fois dans la courte vie de Luz qu'iel aimerait que Dóminus lui parle, même si c'est juste pour qu'il lui crie dessus. Le fait que son chef lapis-lazuli soit totalement silencieux et comme perdu dans ces pensées lia terrifie.

"Sofía, Paul, qu'est-ce que vous faites ici?" demande Charlie en passant devant la porte grande ouverte de la chambre de Luz. "Vous devriez pas être en train de régler les problèmes que Franky a eu hier soir?"
"Bonjour patron. Je croyais que je devais m'occuper de Vicky aujourd'hui?"

Charlie n'a rien compris. Il regarde Paul comme s'il voulait lui donner dix coups de couteau, puis dirige son attention vers Sofía pour qu'elle explique le comportement de son partenaire. Cependant et malgré ce qu'il souhaite, c'est Luz qui prend la parole.

"Ha ha, il blague! C'est moi qui lui ait dit de dire ça."

L'androïde se met bien devant Charlie pour ne pas qu'il voit les deux loulous complétement perduEs à l'arrière.

"En fait tout ça c'est de ma faute Charlie. J'avais une question pour elleux." commence Luz sans savoir ellui-même où part son mensonge. "En fait, je..."
"Ça je veux bien le croire, t'es vraiment pas possible toi aujourd'hui."

Charlie pousse l'androïde de son chemin d'un revers de la main, et penche sa tête vers Sofía et Paul avec un air menaçant.

"La priorité c'est Franky. Une fois que les problèmes de Franky seront réglés, alors vous pourrez vous occuper de Luz."
"Franky c'est un nouveau prototype?" demande Paul.

Cette fois c'est Luz qui le regarde comme si iel allait le noyer dans une piscine. Iel ne comprend pas mieux la situation que cet ahuri de Paul mais iel a l'air d'être lia seulE à comprendre qu'il vaut mieux laisser Charlie hors de cette affaire.

"Qu'est-ce qui t'arrive Paul?"

Charlie l'a dit avec plus d'inquiétude que de colère, cette fois. Le ton de Paul n'est pas joueur, on dirait qu'il est le plus sincère du monde et ça le perturbe.

"Excusez moi, qui êtes-vous?" demande Sofía comme pour aggraver la situation.
"Bon bon bon!" coupe Luz. "C'est pas tout ça mais il est déjà 10h15, et c'est l'heure de ta réunion Charlie non?"

Luz l'agrippe par les épaules et le pousse hors de la pièce. Iel était à deux doigts de l'hypnotiser avant de se rappeler de cette réunion qui tombe à pic. Ça l'arrange vraiment, étant donné que Dóminus est très certainement en train de scruter tous ces faits et gestes. Son chef azur préfèrera toujours lia regarder galérer pour ensuite se plaindre de toutes ses décisions plutôt que de lui donner le moindre conseil.

"T'as bien vu tout à l'heure, je suis insolentE et je m'enfuis ha ha, alors il faut bien changer ma programmation." dit-iel à Charlie dans le couloir avant de baisser de ton. "Sinon je risque de causer encore plus de problèmes à Franky..."

Cet argument et sa réunion finissent par convaincre le patron qui s'avoue vaincu pour l'instant.

"D'accord, d'accord." Charlie soupire. Il regarde dans la chambre de Luz. "Sofía et Paul, réglez moi ça en vitesse et après remettez vous au travail sur Franky. Vous terminez avec Luz avant la pause déj."

Sur ces belles paroles, le patron de E.GG tourne les talons et détale vers sa réunion. Luz prend le temps de respirer un coup, comme si iel avait des poumons à bout de souffle. Dans son système résonnent les bruits de pas de Dóminus qui semble tourner en rond sur les dalles de son repaire secret.

"Il ne faut surtout pas que Charlie se rende compte qu'il y a un problème..." marmonne-t-il pour lui-même, avec un décalage tel qu'on dirait qu'il est duplex.

Toujours aussi utile celui-là. Luz rentre à nouveau dans sa chambre avant de fermer la porte derrière ellui. Il vaudrait mieux que Sofía et Paul restent là pour l'instant.

"Bon, je suis où à la fin?" s'énerve Sofía.

C'était à prévoir. Sofía peut être très patiente quand il le faut mais un rien peut la fait partir au quart de tour. Luz ne lui en veut même pas sur ce coup-là, ça fait quand même cinq bonnes minutes que personne ne la calcule.

"On est à E.GG entreprises. Désolé, le patron a pas l'air aimable aujourd'hui. Qu'est-ce qui vous amène ici? On s'est pas présentéE, je suis Paul Mejía."

Pourquoi il se présente celui-là, tout le monde sait qui t'es ici.

En plus de ça, le ton de Paul est... trop calme. Luz n'aime pas trop beaucoup ça. Il est vraiment curieux lui depuis qu'il s'est réveillé. On dirait que sa micro sieste l'a complétement épuisé, et il a l'air d'avoir pris dix ans d'âge en dix minutes.

...Ce qui est particulièrement alarmant dans le cas de Paul Mejía, étant donné qu'il cochait déjà toutes ces cases avant même de tomber par terre.

Et puis, même s'il est tout le temps aigri, on ne peut pas qualifier Paul d'apathique. Il a toujours une énergie folle et n'en manque pas une pour lancer un rire sarcastique ou sautiller partout autour de Sofía comme un cabri.

Mais là, il a l'air complétement mou et résigné, même devant Sofía. C'est vraiment invraisemblable.

"Enchantée, Sofía Ramírez. E.GG entreprises? Vous faites des androïdes comme à Sunrise, c'est ça?"
"Oui, c'est ça. Après on fait ça mieux que ces incapables."

Pour une drôle de raison, la remarque de Paul fait beaucoup rire Sofía. Luz se demandait si Sofía ne se prenait pas pour une employée de Sunrise, mais maintenant iel n'en est plus si sûrE. Par contre cet échec de nom de famille que Sofía vient de lui sortir ne lui dit rien qui vaille. Qu'est-ce qu'il leur prend?

"708, je n'ai pas le temps de t'expliquer mais il faut absolument que tu les retienne dans cette salle. Ne leur fait surtout pas de mal, et ne les laisse surtout pas sortir. Ne les froisse pas, et pour l'instant rentre dans leur jeu même si tu comprends rien. Et soit poliE surtout!"
"Tu peux pas au moins me dire ce que..." demande Luz, mais son chef agapanthe est déjà parti.

Son dernier ordre est terrifiant. Ce n'est pas l'idée d'enfermer deux personnes contre leur gré qui l'inquiète, c'est la première partie. Comment ça sans leur faire de mal? Même pas une petite hypnose de rien du tout, ou un petit coup sur la tête histoire de les assommer un peu? On dirait qu'il fait exprès de rajouter des règles comme sur un jeu TV juste pour l'embêter.

"J'espère que vous ne travaillez pas à Sunrise." dit Paul. "En général on garde ce genre de commentaires entre nous."
"Non, du tout. Je suis ingénieure en aéronautique, rien à voir avec les androïdes. Vous m'avez fait venir ici pour quoi?"
"Aucune idée. C'est pas moi qui m'occupe des rendez-vous, mais vous pouvez demander à l'accueil si vous voulez."
"Merci M. Mejía."

Luz l'intercepte avant qu'elle ne puisse atteindre la porte. Son move est très très louche mais tant pis.

"Madame And... Ramírez, attendez. Vous êtes exactement à l'endroit de votre rendez-vous."
"Tu es bien à l'aise toi, pour parler aux humainEs comme ça. D'où est-ce que tu sors? En tout cas il va falloir descendre un peu tes niveaux de confiance."
"Aux humainEs..." répète Sofía comme pour s'assurer qu'elle a bien entendu. "Tu es une androïde?"

Comment est-ce qu'elle a pu oublier un truc pareil. Vu sa réaction et ses yeux qui brillent, on dirait que c'est la première fois de sa vie qu'elle voit unE androïde. Madame, tu peux oublier ton nom de famille mais n'oublie pas que tu as créé le meilleur androïde de la Terre! Deux fois!

"Bien sûr. C'est la première fois que vous voyez une androïde?"
"Non, mais je n'ai jamais vu d'androïde comme elle. Tu as l'air tellement humaine..."
"'Iel' s'il vous plaît messieurs-dames." corrige rapidement Luz.
"Pardon, humainE. J'ai toujours rêvé de voir unE androïde comme ça... Je savais même pas que c'était encore possible."

Sofía a tout un tas de questions pour Luz. Mais au lieu de lui demander quelles fonctionnalités iel a, quelle est la taille de son disque dur ou quelle est la résolution de ses caméras... Toutes ses interrogations portent sur comment est-ce que Luz va aujourd'hui, quels sont ses rêves, qui sont ses amiEs...

Ça met Luz assez mal à l'aise, parce que non iel ne va pas bien, son rêve est actuellement entre les griffes de son boss tout bleu insupportable, et iel n'a pas d'amiE. Alors iel écoute bien toutes les questions de Sofía mais ne répond pas.

"Doucement, c'est peut-être un peu trop rapide pour que son système traite toutes les questions correctement." la prévient Paul.

Mais pas du tout. Est-ce que Paul a oublié les capacités de sa Franky? Elle est capable de réfléchir à environ cinq cent questions en même temps, c'est littéralement dans les premières pages de son livret. Et alors Luz n'en parlons pas. En 2035, tout bonNE androïde qui se respecte peut traiter des milliers d'informations différentes en même temps. Les deux acolytes ont vraiment l'air de s'être pris un coup sur la tête.

Qu'est-ce qui dans la chute de tout à l'heure a pu les dérégler comme ça? On dirait deux androïdes à qui on aurait changé les paramètres.

"Désolée, j'aurais pas du te poser autant de questions personnelles en plus." s'excuse Sofía. "Et je t'ai même pas demandé ton nom. Je perds la tête aujourd'hui."

Tu ne crois pas si bien dire, se dit Luz.

"C'est Luz, non? Le patron t'a appelé comme ça tout à l'heure."
"C'est ça. Charlie n'a pas voulu te parler de moi parce que je suis très défectueuse encore." ment-iel.
"Ah bon?" demande Paul en fronçant les sourcils. "Je suis au courant de toustes les androïdes sur lesquels on travaille, c'est moi qui note où est rendu tout le monde. Je trouve ça vraiment bizarre."

Comment ça, Paul s'est reconverti en secrétaire maintenant? Personnellement je lui ferais jamais confiance pour prendre des notes ou répertorier quoi que ce soit se dit Luz, mais bon. Vu sa tendance à faire un peu ce qu'il veut dans le dos de son boss, c'est sûrement pas terrible de le mettre dans ce genre de position.

"C'est parce que... On vient de m'acheter." continue de mentir Luz. "Et puis maintenant tu es au courant non?"
"Oui. Mais je me demande où on t'a acheté, parce que ton comportement est vraiment étrange. Je peux jeter un œil à ton système?"
"Étrange comment?" le coupe Sofía, toute curieuse.
"Ça se voit sûrement pas pour vous qui ne passez pas vos jours avec des androïdes, mais... Les androïdes ne mentent pas, premièrement. Ensuite, iels sont senséEs respecter les règles de la politesse, hors iel ne fait que me tutoyer. Et enfin, je n'ai jamais vu des émotions aussi naturelles sur aucun des androïdes que j'ai rencontré dans ma vie. Et croyez moi j'en ai vu des centaines. Je l'ai presque pris pour unE humainE avant de voir son iris là."
"Comment ça?" demande Sofía.
"Les yeux qu'on a tendance à mettre aux androïdes prennent pas exactement la lumière de la même manière que nous. Personne voit ça en général. Moi je le vois tout le temps, parce que c'est un truc qu'a inventé ma mère."

Su-per.

Primero, Luz ne se réjouit pas d'avoir une partie du corps qu'iel doit créditer à la famille Mejía. Une voix rassurante lui propose de penser que Paul bluffe pour se faire bien voir, et iel décide de la croire sans hésiter.

Secundo, c'est Luz qui a mal entendu où Paul vient de se permettre de lia traiter de menteureuse et de mal élevéE dans le plus grand des calmes? C'est vraiment l'hôpital qui se fout de la charité.

Et tertio, cet espèce de retournement de situation entre Sofía et Paul là, ça la met plutôt mal à l'aise. Normalement c'est Sofía qui explique des trucs, et Paul qui boit ses paroles. Là c'est complétement l'inverse, Sofía est pendue à ses lèvres et ses yeux regorgent de milliers de questions.

"J'ai lancé une recherche dans l'espace-temps." dit soudainement Dóminus que Luz avait complétement oublié. "Dans quelques instants je pourrais retrouver non pas où mais quand est arrivé le bracelet."
"D'accord. Est-ce que tu peux m'aider parce que j'ai peur que Charlie se rende compte qu'il se passe un truc bizarre avec Sofía et Paul. Sa réunion va pas durer mille ans."
"Mpf. Ce qui se passe c'est qu'à cause de tes échecs à répétition, quelqu'un a pris le bracelet que tu devais garder en sécurité et a modifié leur passé." soupire-t-il. "Un événement de leur passé a été changé, je ne sais pas encore lequel, et c'est pour ça qu'iels sont comme ça."

Dóminus tapote ses doigts sur la table devant lui pour tenter de se calmer les nerfs. Avec son autre main il se met à cliquer sur son écran pour activer un programme.

"On n'en serait pas là si tu faisais attention à tes affaires." dit-il sèchement. "Règle moi ça toutE seulE. Prouve moi que tu n'es pas qu'unE incapable, 708."

Dóminus raccroche aussitôt, laissant Luz toutE seulE face à ce bourbier. Quelqu'un a modifié leur passé... En effet ça explique plutôt bien pourquoi iels sont aussi curieuXes. Les noms de famille et les emplois qui changent, le fait que les deux ne se soient pas reconnuEs alors qu'iels sont amiEs depuis vingt ans... Même si iel comprend un peu mieux ce qu'il leur arrive, Luz aurait bien aimé que Dóminus lui donne un peu plus de conseils sur comment gérer ce genre de situation.

Au moins, Luz a réussit à glaner certaines informations depuis leur réveil. Même avec leur passé modifié, les deux on l'air de toujours autant aimer les robots, même si seul Paul travaille dans ce domaine maintenant. C'est impensable d'imaginer un monde où Sofía fait autre chose dans la vie que créer des androïdes. Luz pensait que c'était inscrit dans son ADN ou quelque chose comme ça.

Même si cette histoire est techniquement de sa faute, Luz est tout de même un peu rassuréE. Depuis tout à l'heure, iel avait peur que ce soit une de ses fonctions qui les ait renduEs comme ça. Même s'il s'avère que la perte ou le vol de son bracelet est ce qui a entraîné cet état, ce n'est pas ellui qui est partiE dans le passé pour créer une réaction en chaîne pareille.

Luz se reconcentre sur Sofía et Paul, et essaye de se mettre dans le crâne qu'iel ne peut pas les traiter comme la Sofía et le Paul qu'iel connait. C'était déjà un peu complexe de séparer les versions de son présent de celles du passé, et maintenant il faut rajouter à cela ces deux autres versions. Heureusement que son cerveau est un ordinateur.

Les deux sont partiEs dans une conversation endiablée depuis que Dóminus a expliqué la situation à Luz un peu plus tôt. En partant de la bête remarque de Paul sur les inventions de sa mère, iels sont partiEs sur tout un tas de conversations sur leurs vies et leurs envies, comme si iels étaient deux inconnuEs qui se rencontrent au bar du coin.

On dirait que ces deux-là sont destinéEs à devenir amiEs dans n'importe quel temporalité. Luz pense à une phrase que lui répète souvent Dóminus: "Le destin est une histoire que se sont inventéEs les humainEs il y a bien longtemps, ça n'existe pas."

Ces humainEs-là ont l'air de l'inventer devant ses yeux.


Wilson sort du magasin avec ses deux filles aux bras. Pour être vraiment sûr que personne ne le reconnaisse, il a sur la tête un chapeau, sur les yeux des lunettes, et sur la bouche un masque. Clara a insisté pour qu'elle et Franky se prennent aussi des lunettes de soleil, pour être raccord avec leur papa bien sûr et pas du tout parce qu'elle aime qu'on lui achète de jolies choses.

Comme le ventre de Clara commence à gargouiller, les trois décident de trouver de quoi manger. Le premier restaurant qu'iels trouvent est un peu trop cher pour le pauvre reste de liquide dans le porte feuille de Wilson. Iels décident donc de chercher un peu plus loin.

Une fois installéEs dehors avec leur nourriture en main, les Andrade se posent un peu et réfléchissent à leur prochain plan d'action. Franky a une barquette vide sur ses genoux que lui a gentiment donné la personne du petit restaurant.

Wilson sort son mouchoir en tissu de sa poche pour s'essuyer. En sort en même temps un objet que personne ne remarque, qui tombe et roule un peu plus loin sans faire le moindre bruit.

"Papa, Clara, comment on va rentrer à la maison? Je suis désolée, je ne peux pas chercher sur internet comment faire pour retourner dans le présent." explique l'androïde en baissant la tête.
"Même internet ne saurait pas nous dire quoi faire, t'en fais pas." dit Wilson avant de poser affectueusement sa main sur la tête de sa grande fille. "C'est pas quelque chose de normal de voyager dans le temps."
"Alors comment on fait quand on est dans une situation pas normale? Qui va nous donner la solution?"

Wilson rigole un peu puis soupire.

"Je me pose cette question tous les jours ma puce. Tous les jours il y a des situations nouvelles que tu ne vas pas comprendre. Ça c'est normal, archive-le."
"Archivé. Mais tu sais papa, moi quand j'aurais fini d'apprendre à vivre avec les humainEs, je serais capable de répondre à toutes les situations."
"Même pour une androïde intelligente comme toi, il y aura toujours dans ta vie des situations que tu ne pourra pas comprendre."
"Pff, c'est pas n'importe quelle androïde c'est ma sœur et c'est la meilleure du monde."

Clara prend Franky dans un câlin avant de continuer à manger. Depuis qu'elle arrête de se chamailler avec elle par jalousie, on voit bien que sa nouvelle grande sœur est devenue sa personne préférée de toute la Terre. Pour Wilson, les voir heureuses ensemble comme ça est sa chose préférée de toute la Terre.

"En plus, je vous ai dit que j'étais experte sur les histoires de voyage temporel." dit Clara." Alors les solutions moi je les ai. Souvent il faut régler un truc qu'on aurait changé sans faire exprès, mais vu que papa est déguisé ça devrait le faire."

Elle continue son explication et détaille le scénario de quelques films, séries, animes et autre qu'elle a vu sur le sujet. Plus elle explique et plus un doute envahit Wilson. Soudainement une information qu'il a lu sur la porte du restaurant de tout à l'heure lui revient en tête.

"Attendez, on est quel jour là?"
"Le 6 décembre 2015." répond Franky.
"Non, ça c'est la date du présent. Mais c'est normal que ce soit ce que te dit ton système..."
"Là on est le 6 décembre 1994, c'est ce qu'a dit lia passantE tout à l'heure. Pourquoi?" demande Clara.

Non non non, attends. Si ce soir dans le présent Paul est sensé venir à la maison, c'est parce que c'est son anniversaire. Donc aujourd'hui dans le passé comme le présent, c'est le jour de l'anniversaire de cet imbécile.

Et le jour de l'anniversaire de Paul en 1994, il y a...

Wilson pose son repas par terre puis se penche en arrière pour s'allonger sur le dos, dépité.


Ça fait quelques heures que Chris, Delfina et Tamara s'arrachent au Cyber. Toujours aucune trace de Franky. Malgré les mots rassurant de sa sœur et de sa meilleure amie, Chris ne peut pas s'empêcher de s'inquiéter.

Heureusement pour lui, sa mère est probablement la personne la plus sociable du monde. En général c'est plus embêtant qu'autre chose, qu'elle connaisse autant de monde. Depuis qu'il est tout petit, ça le force à rester à côté de sa maman sans rien faire pendant qu'elle parle à la moitié du supermarché pendant les courses, ou à la moitié des passantEs quand iels se baladent. Pour une fois ça va être très utile de connaître toute la capitale.

Il trouve dans les tiroirs du comptoir un petit carnet d'adresses qui doit être plus vieux que lui.

"Chris, tu fais quoi? Viens m'aider en salle si t'as rien d'autre à faire." le gronde Tamara.
"Attends une minute, je veux juste voir si tout va bien avec Franky. Je suis sûr que maman a le numéro de... Voilà, le numéro de Sofía. Occupe toi de la caisse pendant ce temps s'il te plaît, j'en ai pas pour longtemps."

Tamara se place derrière la caisse en boudant un peu. Elle fait de son mieux pour encaisser les clients en écoutant la conversation en douce de Chris, ce qui n'est pas franchement facile. Elle n'arrive pas à entendre ce que dit la personne à l'autre bout du fil.

"Bonjour Sofía! C'est Christian."
"Christian. Fin Chris quoi, l'ami de votre fille."
"Si, si, Franky votre fille."
"Non je me suis pas trompé, je reconnais votre voix."

Chris regarde l'écran de son téléphone avec confusion. Il le replace devant son oreille à l'écoute d'une autre voix familière à l'autre bout de la ligne. Tamara est un peu trop loin de lui pour la reconnaître.

"Hein? Il se passe quoi avec Sofía?"
"Quelles blagues? Et tu sais où est Fran..."
"Non mais att..."

Chris raccroche enfin et retourne vers Tamara avec un air tout perdu. Son amie finit de noter les derniers paiements des clients.

"Qu'est-ce qui se passe?"
"Je sais pas, j'ai rien compris. J'ai demandé où était Franky, et Sofía a dit qu'elle avait pas de fille. Après elle a voulu partir, et c'est Luz qui a pris le téléphone."
"Luz??"
"Ouais. Iel a dit que je devais arrêter les blagues ou un truc comme ça, mais moi je voulais juste savoir où est Franky. Iel a pas voulu me répondre."
"Donne moi ton téléphone."

Ça fait si longtemps que Tamara et Chris se connaissent qu'iels sont comme des adelphes. Il y a peu de personnes à qui Chris confierait son téléphone sans réfléchir, mais il s'avère que Tamara est une de ces personnes. Il la regarde bidouiller des trucs dans des paramètres dont il ne soupçonnait même pas l'existence. Apparemment Tamara n'arrive pas à faire ce qu'elle veut même après plusieurs minutes. Agacée, elle sort son propre portable et continue à appuyer partout en vitesse sous les yeux de son ami.

Chris ne lève la tête que quand il entend la voix d'une amie.

"Coucou comment ça va?" demande Loli, toute enjouée. "Je vais prendre deux muffins à la myrtille pour ma maman et moi s'il vous plaît, à emporter."

Delfina sort de la cuisine pour lui dire bonjour, mais son regard s'arrête d'abord sur Chris et Tamara qui sont rivéEs sur leurs écrans.

"Ça va je vous dérange pas? Je peux pas être au four et au moulin, occupez-vous des commandes là!"
"Salut Delfi, comment ça va?" demande Loli avec du sucre plein la voix.
"Salut Loli..."

Le ton de Delfina est plus en retrait. Ce n'est pas qu'elle s'entend mal avec Loli, mais son énergie à tendance à la fatiguer. Déjà que Delfina est rincée à cause du travail alors qu'il est à peine midi... Il va falloir qu'elle demande une prime à sa maman dès qu'elle va rentrer.

Tamara et Chris quant à elleux restent fixés sur les téléphones. Iels sont concentréEs sur leur tâche et continuent à royalement ignorer le monde autour d'elleux. Tout à coup, Tamara pousse un cri de joie et écrase l'écran de son téléphone au visage de Chris.

"Elle a lancé son appel d'ici. C'est là-bas qu'on va trouver Sofía et Luz."
"Comment ça trouver? Vous allez pas partir j'espère?" crie Delfina.

Mais c'est trop tard. Son frère et son amie ont déjà retiréEs leurs tabliers et sont partiEs à courir à toute vitesse vers la sortie. Chris s'écrie avant de franchir la porte:

"Loli! Aide ma sœur s'il te plaît, je t'en dois une après ça!"

Delfina commence à trembler dans ses baskets. Comme si c'était pas déjà assez difficile de gérer le Cyber avec son frère et Tamara, maintenant elle doit le faire seule avec Loli.

C'est surtout à Delfina que Chris en doit une.


L'écran géant devant Dóminus se met à clignoter violement. Enfin. La recherche est enfin terminée. Il se doutait du résultat de l'analyse, mais maintenant il sait que son hypothèses était juste. La date qui s'affiche en grand sur l'écran est celle du 6 décembre 1994.

Dóminus lève son poing en l'air avant de le faire exploser sur le bureau blanc devant lui. Il ne savait pas qu'il pouvait se mettre en colère aussi intensément. C'est vraiment l'unique point faible de sa scientifique de mère. Incapable comme elle est de comprendre et gérer ses propres excès de colère, il faut qu'elle la programme n'importe comment chez ses enfants aussi.

Une sensation de picotement s'empare de son bras gauche. Il décide de faire comme si de rien n'était, et appuie sur quelques fenêtres de l'écran avec son autre main. En un instant, le bracelet de Sofía se retrouve par terre devant lui. Dóminus grogne. Il pensait pouvoir faire revenir la personne en train de créer tout le désordre dans le passé, mais apparemment celle-ci s'est débarrassé du bracelet ou l'a perdu.

En connectant le bracelet à son système, il est capable d'accéder aux fichiers audios enregistrés à intervalles réguliers par mesure de sécurité. Les dernières voix que le bracelet a relevé appartiennent à trois personnes que Dóminus connaît trop bien.

Alors comme ça ce sont ces incapables qui sont revenuEs dans le passé pour tout ruiner de la sorte...

Il n'y a pas 56 solutions pour résoudre ce problème. Dóminus passe son bras sur son corps pour changer d'apparence et avoir l'air humain. Il a juste à changer la couleur de sa peau et ses vêtements et le tour est joué. Un frisson traverse ses circuits. Rien au monde ne l'énerve plus que devoir se faire passer pour un simple humain, mais il ne va pas pouvoir régler les choses dans son apparence normale.

"708, comment est la situation?"
"Tout va très bien Dóminus, tout est parfait." répond-iel avec sarcasme.

Le ton de cetTE androïde lui tape vraiment sur les nerfs. Au lieu de s'inspirer de la bonté et de la bienveillance de ses parents, il a fallu qu'iel devienne le portrait craché de sa tante: menteureuse et manipulateurice.

Sans rien dire de plus, Dóminus rentre le mot de passe pour avoir accès à la vision de san subordonnéE. Il y voit ses créateurices devant l'écran en plexiglas de la chambre de Sofía, parcourant les fichiers de l'androïde.

La situation n'est pas parfaite, mais au moins iels ont l'air assez occupéEs pour ne pas avoir l'idée de s'enfuir, c'est déjà ça de pris.

"Dóminus. Pour l'instant iels ont rien fait mais j'ai peur qu'iels créent des dommages à mon système. Je fais quoi?"

Toujours à se plaindre et à le harceler de questions! Pourquoi ne peut-iel pas réfléchir par ellui-même pour une fois dans sa vie? Quelle honte pour sa créatrice qui a fait tant d'efforts pour que Sofía existe.

"Garde-les là et ne pense à rien d'autre. Je remettrais ton système en ordre s'il y a un problème. Essaye de ne pas tout ruiner." finit-il par dire avant de couper la communication.

Dóminus se rapproche de l'écran devant lui et tend sa main droite pour régler quelques paramètres dans différentes fenêtres. Il regarde son bras gauche une dernière fois et soupire. Heureusement, il doit lui rester quelques capes dans sa penderie.


"Papa tout va bien?" demande Clara en regardant son père allongé sur le sol.
"Oui oui ma puce, ça va..."

Il fallait évidemment que Wilson, Clara et Franky se retrouvent dans le passé pile le jour de la rencontre de Sofía et Paul!

Et si seulement c'était que ça. Le vrai problème, c'est que les trois Andrade ont eu une discussion avec Paul y'a pas deux heures. Si Wilson en croit toutes les histoires de science-fiction que vient de raconter Clara, alors iels sont bien dans la mer... credi.

Wilson ne se souvient pas trop des détails de leur rencontre parce que les intéresséEs ne s'en rappellent pas vraiment non plus, ou alors leurs souvenirs se contredisent. Mais il y a un point dont Wilson se souvient, et c'est que ça s'est passé dans un bus.

Évidemment. Évidemment lui et ses filles sont tombéEs sur ce ronchon pile quand il attendait le bus. Le bus qu'il aurait dû prendre pour rencontrer Sofía pour la première fois, ce même bus qui a permis à Franky de comprendre dans quelle année iels se trouvaient...

C'est impossible de ne pas comprendre ce qui a bien pu se passer. À tous les coups leur interférence a empêché Sofía et Paul de se rencontrer.

Wilson prend une grande inspiration.

Bon, après tout pourquoi est-ce que ça l'inquiète autant? Ce n'est pas si grave, à bien y penser. Si les deux ne se rencontrent jamais, alors ça veut dire que lui non plus ne rencontrera jamais Paul, ha ha. Peut-être que c'est pour ça qu'iels sont revenuEs dans le passé d'ailleurs. Pour corriger une petite erreur dans sa vie et dans celle de Sofía, et puis c'est tout.

"Les filles, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle."
"Commence par la mauvaise," dit Franky. "C'est ça qu'on est senséE dire, non?"

Clara lui fait un pouce en l'air.

"La mauvaise nouvelle, c'est qu'on a très certainement modifié le passé sans le vouloir quand on a parlé à Paul."
"Hein??" s'exclame Clara.
"Et la bonne nouvelle, c'est qu'en faisant ça on a empêché que lui et maman se rencontrent."

Franky fronce les sourcils et se rapproche de Wilson avec un regard accusateur.

"Papa, pourquoi tu dis que c'est une bonne nouvelle? C'est une horrible nouvelle!"

Wilson ne s'attendait pas à une telle réaction de la part de Franky. C'est rare de la voir réagir avec autant d'intensité.

"Maman va être super triste. Je veux pas que maman soit triste." dit elle en baissant la tête.
"Elle ne va pas être triste ma puce, vu qu'elle va jamais le rencontrer."
"Et ça veut dire que nous non plus on va jamais le rencontrer!" dit Clara avec joie.

Franky leur fait un signe de la main pour couper la conversation, puis commence à surchauffer en ayant les yeux dans le vide. Son système est en train de réunir tous les fichiers qu'elle a sur Sofía, sur Paul et sur Wilson pour reconstituer une frise chronologique de leurs années à la fac.

Sofía n'a pas écrit dans le système de Franky tout ce qui s'est passé pendant cette période, mais il s'avère que quelque unes de ses questions de sécurité sont en rapport avec celle-ci. Avec le reste des informations qu'elle glane dans les fiches de tout le monde, Franky projette au sol -en essayant d'être discrète- la frise qu'elle a reconstitué.

"Papa, regarde."

Wilson grimace. La première chose sur la frise qu'il remarque est qu'il n'a jamais connu Sofía sans Paul. Ce n'est pas maintenant qu'il le découvre évidemment, mais c'est le genre d'info qu'il préfèrerait oublier.

Clara, toujours aussi vive, est la première à crier de surprise quand elle réalise où est le problème.

"On peut pas laisser ça comme ça!" dit-elle en pointant tous les endroits de la frise en même temps. "C'est impossible que ça n'affecte pas le futur, il y a trop d'évènements qui n'existent que si les deux se rencontrent."

Wilson n'arrive pas à réfuter cette information face à toutes les preuves devant ses yeux. Qui peut dire où en seraient Sofía, Paul et lui si ces deux-là ne s'étaient pas rencontré par chance aujourd'hui... Il est vrai que Wilson préfèrerait largement passer sa vie sans que Paul soit dedans, mais maintenant qu'il regarde la suite des évènements il se demande si lui et Sofía se seraient rencontréEs sans lui.

Difficile à dire. En tout cas c'est surtout la réaction de ses filles qui le fait changer d'avis. Même si par égoïsme il préférerait laisser la situation comme ça, c'est vrai que la bonne chose à faire est de réparer leur erreur. En tant que papa il se doit aussi de leur montrer l'exemple.

"OK, on va retrouver maman et Paul et les faire se rencontrer alors. Franky?" dit Wilson en regardant la frise. "Tu peux zoomer sur leur rencontre qu'on sache où les deux pourraient être?"

Franky fait un zoom, mais aucune nouvelle information apparaît. Il n'y a qu'une petite épingle à la date d'aujourd'hui: "Rencontre dans un bus".

Wilson fait de son mieux pour se rappeler de la situation. Il sait que Sofía était dans le bus pour rentrer à la maison, mais que sa rencontre avec Paul l'a fait passer l'après-midi avec lui au lieu de rentrer. Il est aussi presque sûr que ce qu'iels ont passé l'après-midi à faire c'était... Des tests d'une invention de Paul, ou quelque chose comme ça.

Wilson explique ça à ses filles, et demande à Franky si cette histoire lui dit quelque chose. Elle scanne dans ses dossiers mais ne trouve rien.

"C'est pas grave, merci d'avoir cherché ma belette."
"Si tu t'es pas trompé dans l'histoire, ça veut dire que maman est chez elle alors." propose Clara.
"Oui, il y a des chances." dit Wilson. "Et Paul est sûrement parti faire ses tests tout seul, mais il va forcément revenir chez lui à un moment donné."

Franky écoute attentivement toutes ces informations et prépare leur plan d'action. Une information lui manque: elle n'arrive pas à placer sur sa carte l'emplacement de la maison de la famille de Paul. Wilson a beau se tourner les méninges, il est presque certain qu'il n'est jamais allé chez Paul à l'époque.

Lorsque les trois passaient du temps ensemble, et c'était en vrai assez souvent, ça se passait à l'université ou chez Sofía. Une ou deux fois il se peut même que Paul soit venu chez sa mère à lui, Emilia, mais jamais l'inverse. Est-ce que Wilson a même déjà rencontré les parents de Paul?

Par conséquent, les Andrade se mettent toustes à réfléchir au chemin qu'iels ont fait entre la maison de Paul et ici. Comme point de repère, iels se servent des monuments et noms de rue alentours pour s'y retrouver sur la carte. Les vidéos des souvenirs de Franky les aident aussi beaucoup pour se repérer.

Une fois que Franky a entouré en rouge la maison des Mejía, elle zoome sur une autre partie de la carte et l'entoure elle aussi.

En effet, l'androïde n'a pas besoin de demander où se situe la maison de sa maman étant donné que Sofía vit chez sa mère Inés, qui a gardé la même adresse vingt ans plus tard. Bien que Franky n'y soit encore jamais allée personnellement, sa mamie fait partie de ses numéros d'urgence.

"Il faut qu'on se sépare." dit Franky. "Le mieux ce serait que Clara reste avec toi papa. Tous les deux vous allez attendre Paul, et je vais m'occuper de ramener maman devant chez lui."
"Hein? Je veux pas voir Paul moi, je préfère venir avec toi Franky."
"Tu es encore petite Clara." répond Franky. "Les petitEs doivent rester avec leurs parents."
"Je suis même pas petite! Qui t'a dit ça même, en plus comment tu vas t'en sortir toute seule, t'as même plus de connexion. En une seconde maman va se rendre compte que t'es pas humaine, il vaut mieux que je vienne avec toi."
"J'ai pas envie de laisser une de vous deux toute seule." finit Wilson.

Franky s'approche de son papa pour lui demander son téléphone portable. Une fois qu'il lui donne le mot de passe, elle l'allume et active le Bluetooth.

"Même s'il y a pas de réseau, je peux rester en lien avec ton téléphone sur 10 kilomètres, ce sera largement assez. Écoute."

Franky file à quelques mètres en vitesse, et Wilson entend sa voix qui lui fait coucou dans son téléphone.

"Comme ça on sera tout le temps ensemble au téléphone." dit Franky en revenant auprès d'elleux. "Tu pourras être sûr que je suis pas en danger."
"C'est génial ça Franky, mais je préfère quand même rester avec vous."
"Papa," commence Clara. "Je suis obligée d'aller avec Franky, comment tu crois qu'elle va réussir toute seule à convaincre maman de venir? Y'a que moi qui sait faire ça. En plus c'est une androïde, je suis sûre qu'elle peut me protéger mieux que toi qui es juste humain."

Wilson feint de se prendre une balle dans le cœur.

"Ha ha, j'ai compris." se résigne-t-il. "Alors je veux que vous soyez prudentes et que vous restiez en contact avec moi tout du long, d'accord? Pas de blagues cette fois. Je vous préviendrai dès que Paul est chez lui."

Les Andrade se font un gros câlin avant de partir. Clara promet de rester sage avec sa sœur et de ne pas crier au loup pour blaguer avec son père comme elle a l'habitude de faire. Après leur séparation, Wilson leur demande de répondre dès qu'il leur pose une question, sinon il accourra chez Inés à la vitesse de la lumière.

Clara et Franky lui font au revoir puis se mettent à marcher résolument vers leur maman. Elles sont toutes contentes de découvrir à quoi Sofía ressemblait quand elle était jeune. Même si ses futures filles ont déjà vu des photos d'elle, lui parler en personne sera pour sûr complétement différent.

Sur le trajet, Franky traîne un peu derrière Clara. Plutôt inattendu de la part de cette androïde qui sait courir aussi vite qu'un guépard sans faire le moindre effort. Quand sa petite sœur lui demande ce qui se passe, Franky ne sait pas quoi lui dire à part qu'elle ressent quelque chose de désagréable dans son bras.


"Garde-les là et ne pense à rien d'autre. Je remettrais ton système en ordre s'il y a un problème. Essaye de ne pas tout ruiner."

Dóminus lui raccroche au nez avant que Luz ne puisse lui dire quoi que ce soit d'autre. Luz va vraiment finir par le tuer.

L'expression faciale de l'androïde semble trahir ses pensées.

"Tu as peur, Luz?"

Comment ça, peur. Je n'ai pas peur de cet incapable de Dóminus.

"Qu'est-ce que vous racontez, Sofía?" rigole Paul. "Les androïdes n'ont pas de sentiments. C'est pour ça qu'iels sont si utiles d'ailleurs."

Ouch.

"Bien sûr que si, Paul." répond Luz sans penser aux conséquences. "J'ai eu un peu peur parce que vous êtes en train de regarder mes fichiers internes et j'ai pas envie que vous fassiez n'importe quoi."
"Encore ce ton. On est bien obligéEs d'y aller, t'as entendu le patron. Je pense pas que j'aurais fini avant ce midi mais il faut régler tous tes petits problèmes."

Oui, mais à en croire tes actuelles qualifications je ne suis pas sûrE que tu sois capable faire quoi que ce soit, se dit Luz. Si iel a bien compris la situation, Paul semble être dans l'entreprise pour prendre des notes, recenser les androïdes et suivre les avancées de tout le monde. Comme on dirait que dans sa ligne temporelle il n'a jamais fait le moindre robot, Luz ne peut pas se permettre de lui faire confiance.

Sofía quitte l'écran translucide et se rapproche de Luz pour la rassurer.

"Ne t'inquiète pas, Paul a dit qu'il allait juste regarder où dans ton système se trouvent les problèmes. Dès qu'il trouve quelque chose, on le note et on donnera le rapport à lia scientifique qui s'occupe de toi."

L'attitude de Sofía lia met vraiment en confiance, exactement comme la Sofía du passé d'origine. C'est la seule qui la regarde et lui parle avec respect, ce qui est unique dans la vie de Luz.

"À mon avis c'est cette histoire de sentiments qui pose problème. C'est encore trop tôt pour mettre ça dans des androïdes donc c'est mal géré."
"Il faut bien commencer quelque part, non?"
"Oui d'accord, mais peut-être qu'il faudrait commencer plus doucement. Une émotion à la fois, et on passe à l'autre que si c'est bien intégré dans le système."
"Mais nous les humainEs on a toutes les émotions en même temps. Et on passe notre vie à essayer de les comprendre. C'est pareil pour les androïdes, non?"
"Dit comme ça c'est sûr." dit Paul qui n'avait jamais considéré la question sous cet angle. "Mais c'est une autre histoire quand on pense à comment on programme les androïdes. Vous voyez, par exemple si vous regardez..."

Paul ouvre un fichier et le fait défiler un peu. Il a l'air de chercher un exemple pour Sofía mais il ne fait que froncer les sourcils. Luz imagine que Paul galère à comprendre l'organisation du futur, ce qui est plutôt compréhensible.

Un téléphone sonne, faisant sursauter tout le monde. Sofía s'excuse et part en vitesse dans le couloir. Luz ne bouge pas pour ne pas éveiller encore plus de soupçons, et active donc son ouïe supersonique pour l'écouter.

"Bonjour Sofía! C'est Christian."
"Bonjour. Qui ça?"
"Christian. Fin Chris quoi, l'ami de votre fille."
"Je n'ai pas de fille..."
"Si, si, Franky votre fille."
"Je pense que tu t'es trompé de numéro..."
"Non je me suis pas trompé, je reconnais votre voix."
"Bon écoute j'ai pas le temps pour des blagues."

Luz court vers Sofía et lui arrache le téléphone des mains. Iel a trop peur que la situation lui échappe, il ne faut surtout pas que Christian se rajoute dans toute cette affaire qui est déjà très délicate à gérer.

"Chris, c'est toi! Ha ha ha, rien du tout t'inquiète pas. Mais arrêtez de faire des blagues tout le temps comme ça. Bon je dois te laisser maintenant désolé mais on est très occupéEs, byye!"
"Luz, qu'est-ce que..."

L'androïde raccroche immédiatement, et espère que ça suffira pour que Christian les laisse tranquille. Iel y croit moyennement mais en même temps qu'est-ce qu'iel peut faire à part espérer?

"DésoléE Sofía." dit-iel en tentant d'avoir l'air toute penaude. "C'est des amiEs à moi qui aiment trop faire des blagues au téléphone."
"Mais comment iels ont eu mon numéro?"
"C'est parce que... C'est parce que j'imagine que... En fait iels ont voulu faire une blague à la mère de notre amie, et comme vous vous appelez pareil iels ont du se tromper de numéro."

Sans les balbutiements de Luz, il se peut que Sofía l'ait cruE. Mais entre ses hésitations et ses expressions paniquées, c'est difficile de prendre ce qu'iel vient de dire au mot. Sur l'écran géant s'ouvre un fichier qui n'a pas été ouvert par Paul. Luz pointe l'écran à Sofía.

"Regarde, juste ici."

Sofía s'approche à nouveau de l'écran translucide, puis met ses lunettes pour mieux lire. En effet elle peut y voir son prénom, mais affilié à un autre nom de famille. Ce nom est relié par un fil à d'autres noms, eux-mêmes reliés à d'autres noms. C'est tout l'arbre des relations actuelles de Luz qui est affiché devant les trois compères.

Luz a pris soin de changer le nom de Franky, histoire que les deux ne puissent pas faire le lien avec l'androïde dont Charlie leur a parlé plus tôt. Sofía tourne son attention vers Luz mais croise d'abord le regard perplexe de Paul.

"Qu'est-ce que c'est que ça..."
"C'est les amiEs dont je viens de parler."
"Non mais ça j'ai compris." dit Paul du tac au tac. "Mais ça devrait pas être possible."
"Comment ça? Tu penses que je peux pas me faire des amiEs?"
"J'ai pas dit ça." commence-t-il avant de remarquer le regard accusateur de Sofía. "J'ai pas dit ça! Mais ton système n'est pas programmé pour que tu puisses te mêler avec autant d'humainEs."
"N'importe quoi. Je vais à l'école tous les jours et tout le monde me prend pour unE humainE."

Paul ne prend même plus la peine de corriger son ton insolent. Au lieu de lui répondre, il reprend le contrôle de l'écran et se met à appuyer dans tous les sens.

"Tu vas à l'école?" demande Sofía qui n'en croit pas ses yeux. "C'est pour te faire des amiEs?"

Elle a correctement deviné que les androïdes n'ont aucun intérêt à aller à l'école puisque qu'iels ont constamment accès à une bonne partie des connaissances humaines. Luz est un peu prisE par surprise par sa vivacité d'esprit.

"...C'est ça."
"J'imagine que c'est à l'école que tu as appris ce genre de comportement... Voilà ce qui se passe quand on laisse une androïde avec des ados."

Luz lève les yeux au ciel, ce qui fait pouffer Sofía.

"Soyez pas pessimiste Paul, ça veut dire qu'iel apprend bien en tout cas. Et ça veut dire que vous avez bien fait de l'adopter, iel a l'air vraiment incroyable."
"Oui j'imagine... Même si j'aurais bien aimé qu'on me prévienne plus tôt."
"Vous devriez le dire à votre chef alors. Il a dit qu'il allait repasser nous voir, non?"
"Qu'est-ce que je vais lui dire? 'Dites moi quand vous achetez des androïdes histoire que je puisse faire mon travail correctement'?"
"Oui, pourquoi pas?"
"Ça se voit que c'est pas votre boss à vous." ricane-t-il. "Si je fais la moindre vague il va s'en servir pour me faire sauter."
"Je pense pas que vous êtes si remplaçable. Montrez lui qu'il a besoin de vous dans la boîte. Et sinon c'est vous qui partez et vous trouverez mieux ailleurs. J'ai souvent fait ça moi, j'ai plus la patience d'être avec des gens qui me traitent n'importe comment alors que je sais ce que vaut mon travail."

Paul lui sourit, mais ses yeux restent neutres. Ça fait un moment qu'il se demande à quoi ressemblerait sa vie s'il n'était pas bloqué ici, à faire la petite main pour de grands scientifiques, sans avoir la chance lui-même de faire des androïdes. Ce rêve qu'il avait petit n'est plus le sien depuis un bon moment maintenant. Mais vu qu'il a eu ce poste avec un peu -beaucoup- d'aide de sa mère, il n'a pas vraiment le choix. S'il part, elle ne va pas le lâcher. Déjà qu'elle passe sa vie à lui répéter que c'est un moins-que-rien.

"Je vais y penser." dit-il à moitié sincèrement avant de décaler la conversation pour que Sofía ne lui pose pas plus de questions sur sa situation professionnelle. "Et en partant tous les quatre matins, vous vous êtes jamais retrouvée dans une boîte qui faisait des androïdes?"
"Pourquoi vous me demandez ça?"

Luz se retient de lui hurler que sa question n'a pas de sens.

"Parce que c'est évident que ça vous intéresse beaucoup." répond immédiatement Paul.
"Tant que ça?"

Paul et Luz acquiescent en chœur.

"Dès que vous apprenez un truc sur Luz, vos yeux se mettent à briller."
"J'y pense un peu, mais je peux pas faire ça maintenant." dit-elle en baissant la tête. "On verra plus tard."
"Vous êtes vraiment pareil." dit Luz. "Si vous voulez faire un truc, faites le maintenant! Je comprendrais jamais les humainEs."

Ça fait doucement rire Sofía et Paul, alors que ce n'était pas du tout l'intention de Luz. Après si iels décident de ne pas suivre ses conseils, c'est leur problème et pas le sien.

Paul s'arrête enfin d'appuyer partout. On dirait qu'il a trouvé ce qu'il cherche depuis tout à l'heure.

"Ha ha! Voilà, c'est bien ce qui me semblait."
"Qu'est-ce qu'il y a? Vous cherchiez quoi?"
"Tout à l'heure, j'ai dit que ton système était pas fait pour que tu te mélange avec une classe entière d'humainEs. Maintenant, regardez juste là." dit-il en pointant une partie précise du fichier ouvert.
"C'est pas très bien mis en forme..." commente Sofía dans un souffle, un peu malgré elle.
"Oui c'est vraiment moche. Vous verrez jamais un de mes codes aussi mal formatté."

Les deux se remettent à rire. Votre sens de l'humour est complétement cassé ou quoi, se demande Luz.

Et puis bon, vous pouviez pas perdre la mémoire et devenir du coup vaguement poliEs et cordiaux, il fallait que vous redeveniez immédiatement insupportables comme ça. Luz soupire. Si Sofía et Paul pouvaient arrêter de s'amuser pendant cinq minutes pour en venir au point, ce serait pas mal.

"Bref." continue Paul comme pour répondre aux pensées de Luz. "Donc ce bloc mal écrit là... c'est ça qui fait que tu peux pas gérer trop d'humainEs en même temps."

Hein?

"Comment ça?" demande Luz, qui a l'impression que le sol sous ses pieds vient de se transformer en gelée.

Sofía fait de son mieux pour comprendre, mais elle ressent les limites de ses connaissances sur les androïdes. Elle a beau lire et relire le code devant elle, rien ne fait trop sens.

Paul quant à lui se réjouit de pouvoir partager son savoir à un public qui ne comprend rien. Il prend une posture un peu sérieuse, et commence à expliquer la situation comme s'il était devant un jury à un examen. Luz a tellement peur de ce qu'il va dire qu'iel ne peut rien faire à part l'écouter avec les yeux écarquillés.

"Comment expliquer... Tout le reste du fichier s'occupe de t'indiquer quels comportements à avoir avec les humains. Ça a l'air surtout relié avec des actions comme aider, secourir... Bon, tout ce qui est en lien avec les lois de la robotique en gros. Et il n'y a pas de limite sur le nombre d'humainEs avec lesquels tu peux être en même temps, logique."

Le cœur robotique de Luz se met à battre beaucoup plus fort.

"Mais la partie bizarre là..." continue-t-il. "Elle vient te faire bypass tout le reste du fichier. C'est vraiment pas clair. Je vois pas vraiment pourquoi quelqu'un s'embêterait à écrire tout ça juste pour tout invalider à la fin. Bon, en tout cas, c'est pour ça que je trouve peu probable que tu arrives à aller à l'école."

Luz n'arrive plus à réfléchir. Qu'est-ce que c'est que cette histoire, d'où vient cette limite? Plus iel regarde le fichier et plus les mots de Paul résonnent dans ses oreilles. Pourquoi iel ne s'en est pas renduE compte avant? Comment ça se fait que ce soit visible sur l'écran géant, mais que dès qu'iel cherche manuellement dans son système ce bloc n'apparaît pas?

Luz regarde Sofía et Paul qui discutent tranquillement. Ces deux là n'ont jamais eu l'air aussi dangereuXes au yeux de l'androïde du futur. Sofía l'originale aurait réglé ça en un claquement de doigts, mais là c'est sur Paul, le seul qui comprend encore la robotique, que Luz doit compter. En clair iel est plus mal barréE qu'une faute d'orthographe.

"Alors il faudrait qu'on supprime cette partie, et Luz aura plus de problème avec les humainEs?" demande Sofía comme pour l'enfoncer encore plus.
"En théorie, oui. Après la pratique c'est souvent autre chose."
"Je peux vous demander un truc?"

Sofía le regarde droit dans les yeux avec plein d'espoir qu'elle tente de masquer. Cette réaction fait reculer Paul, et il se penche un peu en arrière. Il n'a vraiment pas l'habitude qu'on lui parle comme ça.

"Déjà, on peut se tutoyer?"
"Hein? Heu oui, bien sûr."
"Alors, tu peux m'expliquer plus précisément ce qui est écrit dans ce fichier?"
"Heu..."

Paul se râcle la gorge, vraiment pris au dépourvu. Il faut savoir qu'à E.GG entreprise, personne ne le considère comme un connaisseur en robotique. En même temps, ce n'est pas exactement dans son intitulé de poste. À part prendre des notes et donner des conseils que personne n'écoute, il ne participe pas activement à la création des androïdes.

Sofía quant à elle est la personne sur qui tout le monde compte au travail. Elle est vive d'esprit, a une bonne mémoire et son attention aux détails est sans égal. Tout le monde passe son temps à la solliciter pour ci ou ça, comme si elle n'avait pas des son propre travail à faire de son côté. Même si ça lui fait plaisir d'être utile, elle se rend bien compte que personne ne vient jamais lui demander comment elle va ou ce qu'elle a envie.

C'est d'ailleurs pour ça qu'elle finit toujours par quitter les entreprises dès qu'elle en a marre, entre autres choses. Ce n'est jamais compliqué de trouver unE autre employeureuse quand on est aussi brillante qu'elle, alors elle part et refait carrière ailleurs jusqu'à ce que le cycle recommence.

Mais c'est aussi pour ça qu'elle n'a pas suivit sa passion pour la robotique non plus. Pourquoi partir alors qu'elle a une carrière aussi stable et un salaire aussi indécent. Et puis comme lui dit sa mère, ce serait bête de tout plaquer pour poursuivre un rêve aussi incertain.

En somme, ni Sofía ni Paul n'ont la vie dont iels rêvaient petitEs. Tout le monde se fiche que Paul ait envie de faire des androïdes à lui, et qu'il soit reconnu pour ça. Tout le monde se fiche que Sofía ait envie de faire des androïdes pour les aider à grandir et à développer des sentiments.

Aujourd'hui au moins, tout le monde ne s'en fiche pas.


Clara est toute tremblante. En regardant de plus près la zone qui fait du mal à Franky, elle s'est retrouvée nez-à-nez avec sa main droite en train de disparaître. Il y a un filet violet pailleté qui la ronge petit à petit, en commençant par le bout de ses doigts.

"Franky, ta main!" hurle Clara. "Tout ça c'est parce qu'on a modifié le passé!"
"Comment ça?" demande Franky sans une once peur dans la voix.
"Dans tous les films c'est pareil, oh la la... On a modifié le passé, donc ça veut dire qu'on a changé un truc qui fait que tu peux pas exister..."

Maintenant que Clara lui a expliqué ça, Franky comprend mieux ce qui lui arrive.

"Oui, ça paraît logique. C'est maman qui m'a fabriqué, mais la deuxième personne qui a le plus travaillé pour que j'existe c'est Paul. Alors si iels ne se rencontrent pas, je ne peux pas naître dans le futur."
"Il fallait le dire plus tôt ça! J'étais pas au courant!"
"Vous m'aviez pas demandé, c'est pout ça."
"Peu importe, il faut vraiment qu'on se dépêche avant que tu disparaisses complètement."
"Les filles, allo? Qu'est-ce qui se passe?"

Clara écrase ses mains sur la bouche de sa sœur. Elle ne veut pas que son papa s'inquiète.

"Rien papa! On se dépêche d'aller voir maman! Tout va bien de ton côté?"
"...Oui, ça va. Dites moi s'il se passe le moindre truc, d'accord?"
"Oui oui!"

Clara fouille en vitesse dans ses poches et récupère le mouchoir qu'elle a tenté de donner à son papa plus tôt. Elle l'enroule autour de la main de Franky et espère que le faisceau violet ne va pas remonter son bras trop vite.

"Franky? Tu peux utiliser ta super vitesse pour qu'on se grouille?"

Franky hoche la tête. Elle se place devant Clara, puis baisse ses bras pour la choper par le creux des genoux. Une fois que Clara est dans son dos, l'androïde enclenche sa super vitesse et détale jusqu'à la maison de leur grand-mère.

L'atterrissage est fracassant. N'ayant pas contrôlé sa vitesse correctement, les deux sœurs se retrouvent dans une haie tête la première. Wilson entend le bruit de la collision de son côté de la ligne et leur demande fébrilement si tout va bien. Clara rigole et assure que ça va et qu'elles sont déjà arrivéEs chez mamie.

"Qu'est-ce que vous faites à jouer dans ma haie?" demande une voix que seule Clara peut reconnaître. "Vous m'avez fait peur."
"Mam... Madame Inés!" s'écrie Clara en sortant de là en époussetant ses vêtements. "Désolée, on courrait un peu trop vite."

La Inés devant Clara est évidemment bien plus jeune que dans ses souvenirs, mais elle rentre dans cette catégorie de personnes qui gardent le même visage en vieillissant. Son caractère est également le même: bien que le ton de sa voix sonne plutôt agressif, on ressent qu'au fond elle s'inquiète beaucoup pour son entourage.

Inés a deux paquets de courses dans les mains mais interrompt ses allers-retours entre le coffre et la maison pour rester avec les filles.

Franky s'extirpe de la haie à son tour. Puis, étant donné qu'il s'agit d'une nouvelle tête pour Franky, son système l'engage à dire:

"Bonjour madame! Je suis Franky. Ça va?"

Elle s'est empêché de demander "Comment va la famille", comme lui a conseillé son papa plus tôt. C'est rare qu'un simple conseil vienne changer les paramètres dans son système, mais elle a assez confiance en lui pour que ça suffise à résoudre ce petit problème. D'ailleurs, Wilson la félicite au téléphone et la prévient que sa mamie peut être un peu spéciale, et qu'il vaudrait mieux laisser Clara lui parler car elle ne se laisse pas facilement avoir. Franky acquiesce.

"Bonjour Franky. Et toi petite, je te connais? Je crois pas vous avoir déjà vues dans le quartier. Vous vous êtes perdues? Où sont vos parents?"
"Non non madame on est pas perdues, on venues voir Sofía. Elle est ici?"
"Ah?" demande Inés en écarquillant les yeux.

Inés a été prise de cours à l'entente de ce prénom. Habituellement quand les gens parlent de sa fille, il faut qu'elle les stoppe avant qu'iels aient fini de prononcer un prénom mort qui n'est plus le sien. Au moins elle n'aura pas à le faire aujourd'hui.

Mais en mettant cela de côté, Inés n'est pas non plus habituée à ce que des jeunes gens viennent rendre visite à sa fille. À part Francisca que Sofía connaît depuis toute petite, Inés n'a jamais rencontré d'autres amiEs de sa Fifi. Ça lui donne l'impression que Sofía n'est pas très sociable, ou alors qu'elle ne veut pas ramener d'amiEs à la maison. Comme si Inés allait leur faire peur! La première option paraît bien plus plausible.

"Aidez-moi avec les courses, Sofía doit être dans sa chambre. Essayez de remettre ma haie en ordre aussi."

Ses deux futures petites filles s'exécutent en vitesse. Clara arrange un peu la haie dans un effort inespéré de cacher le trou béant qu'a créé leur arrivée catastrophe. De son côté Franky agrippe deux sacs remplis à ras bord avec sa main encore intacte, comme si de rien n'était. Ça lui vaut un regard perplexe de la part d'Inés qui se demande d'où lui vient toute cette force. L'androïde fait un rapport rapide à son papa au téléphone, qui se tend un peu en entendant la voix de sa belle-mère.

"Fifi!" crie Inès après avoir ouvert la porte. Elle fait un geste à Clara pour qu'elle les rejoigne. "Y'a des gens qui sont venus pour toi!"
"J'arrive!"

Sofía détale les escaliers. La première chose qu'elle remarque sont les deux sacs de courses dans les bras de sa maman.

"T'aurais pu me le dire, j'aurais pu t'aider..."
"Pas besoin regarde, elles m'ont déjà aidé."

Inés pointe vers Clara et Franky derrière elle, qui offrent à leur maman un grand sourire. Sofía est habillée confortablement, comme si elle avait prévu de passer la journée à la maison. Ses cheveux sont plus courts que d'habitude et elle en a attaché une partie en un chignon sûrement fait à la va-vite.

"C'est vous qui voulez me voir?"

Franky et Clara acquiescent, puis décident de d'abord aider Inés à ranger les courses en cuisine. Sofía propose à Franky de l'aider avec un des sacs, mais l'androïde refuse poliment en disant que les sacs sont si légers qu'elle ne les sent même pas. Clara lui donne un petit coup de coude, et Wilson lui dit de ne pas attirer d'attention sur elle.

Dans la cuisine, Inés et Sofía remarquent que Clara sait étrangement ranger toutes les courses à leur place, sans qu'on ait à lui expliquer.

"Ma grande sœur est amie avec quelqu'un qui connaît quelqu'un qui te connaît." commence à expliquer Clara en mettant les fruits dans la corbeille sur la table. "Elle a dit qu'on pouvait te voir si on avait un problème de robotique."

Sofía se fige sur place et son regard part dans tous les sens pour éviter celui de sa mère. Inés pose les deux bouteilles qu'elle vient de sortir de son sac sur la table avec force. Ça fait sursauter tout le monde.

"Vous avez du vous tromper de personne alors. Je connais rien en robotique." se défend Sofía en choisissant de fixer son regard sur sa petite interlocutrice.
"Ah bon? Parce qu'on a un ami qui a vraiment besoin d'aide et..."
"Fifi, tu étais où ce matin?" demande soudainement Inés d'un ton sec et accusateur.
"J'étais avec Franny."
"Oui, sûrement. Je sais quel bus il faut prendre pour aller chez elle je te ferais dire."

La conversation prend une tournure que Franky et Clara ne comprennent pas. Clara s'en veut d'avoir mis sa maman dans un état pareil. Sofía a l'air d'avoir le cœur en morceaux face à la pression qu'exerce Inés. Mais ce que Franky et Clara lisent surtout dans les yeux de leur mamie et une immense lassitude.

"Bon, on en reparlera plus tard." lance Inés.
"Désolée, je vais pas pouvoir aider votre ami."
"Mais pourquoi? T'es pas en fac de robotique?"
"Elle est en ingénierie. Qui vous a dit qu'elle apprenait à faire des robots? Ma fille est intelligente, elle doit pas perdre son temps dans une fac où on va lui faire croire qu'on peut créer des robots humainEs où je sais quoi. L'école c'est fait pour apprendre des choses utiles, pas pour imiter les films de science-fiction."

Franky a très envie de réfuter son argument. Elle est la preuve vivante que tout ce que vient de dire Inés est complétement faux. Le seul point sur lequel Franky et Clara sont d'accord, c'est que leur mère est intelligente. Elle l'est assez pour créer une androïde qui se tient actuellement face à Inés, sans qu'elle se doute une seule seconde qu'elle n'est pas humaine.

"Papa, qu'est-ce qu'on fait?" demande Franky après que Clara ait rapidement mimé un téléphone.

Wilson met un peu de temps à répondre. Il a écouté toute la conversation et s'est rappelé d'un élément crucial qu'il avait jusqu'alors complétement oublié. Sa femme a seulement suivit son rêve d'étudier en robotique à cause de cette journée fatidique, précisément durant la rencontre que lui et ses filles ont involontairement empêché.

"Ne vous en faites pas les filles, tant que maman rencontre Paul aujourd'hui tout va se remettre en place. Attendez d'être seulEs avec Sofía et elle vous écoutera. J'imagine qu'elle est triste et qu'elle ne veut pas parler, c'est dur pour elle de se disputer avec sa mère. Laissez lui un petit peu de temps."

Franky et Clara regardent la mine tristounette de leur maman et se disent que leur papa la connaît bien. Sofía n'a rien répondu à sa maman après sa tirade sur l'inutilité de s'intéresser aux robots. Elle fini de ranger sans un bruit les dernières courses qui restent dans le sac.

C'est difficile pour les deux petites de ne pas se jeter sur leur maman pour lui faire un câlin et lui dire que tout va bien. Elles se contentent donc de lui lancer des sourires de soutien quand Inès a le dos tourné.

De l'autre côté de la ligne, quelques quartiers plus loin, Wilson aperçoit quelqu'un se rapprocher de la maison des Mejía. Il a bien fait attention au préalable à se mettre à un endroit où il pouvait regarder la maison sans qu'on le voit en retour. C'est pas sa plus grande fierté d'espionner comme ça la maison de son pire ennemi, mais il le fait pour son bien.

Malheureusement, ce n'est pas Paul qui franchit le pas de la porte mais une femme qui doit avoir dans les quarante ans. Ça doit être sa mère que Segundo a mentionné tout à l'heure pour les effrayer. Comme Wilson n'est jamais allé chez Paul et qu'il ne s'est jamais intéressé à sa vie, il se rend compte que c'est probablement la première fois qu'il voit sa mère. La seule chose qu'il sait à son sujet, c'est qu'elle était la pire professeur de Sofía à l'université. Toujours à lui donner des devoirs en plus, à la noter plus durement que tout le monde et à être généralement très désagréable à son égard.

La liste de personnes que Sofía ne peut pas supporter n'est vraiment pas longue, surtout quand on la compare à celle de son acolyte Paul. D'ailleurs, elle se résume à deux personnes: la mère de Paul son ancienne professeur, et son ex-copine et ex-camarade de classe avec qui Wilson est beaucoup plus familier, Kassandra. À part ces deux personnes, Sofía traite toujours les autres avec beaucoup de patience. Et si elle s'énerve contre quelqu'un, c'est qu'iel a fait quelque chose de mal qui mérite donc cette réaction. Aux yeux de Wilson en tout cas, c'est comme ça que sont les choses.

Comme il n'entend plus les voix de Sofía et d'Inès dans son téléphone, il se demande ce que sont en train de faire ses filles.

"Mamie vient de partir en vitesse et nous a fait sortir." explique Clara en chuchotant au plus près du micro de Franky. "Dès qu'elle sera loin, on va réessayer de parler avec maman."


Ce n'est pas une bête porte automatique qui va couper Tamara dans son élan. Même si elle risque de se faire rouspéter si elle se fait remarquer, l'adrénaline lui fait ignorer son anxiété pour une fois. À ses côtés Christian fait de son mieux pour monter la garde. Il n'est vraiment pas bon par contre, il ne fait que l'interrompre pour des fausses alertes.

"Chris, arrête! Laisse moi me concentrer."
"Pardon, pardon... T'as bientôt fini?"

Tamara ronchonne un peu. Même si elle est très douée avec tout ce qui est informatique, le verrou de cette porte lui prend du temps à déchiffrer et à forcer. C'était à attendre de la part des laboratoires E.GG.

Christian et Tamara sont déjà venuEs ici la semaine dernière. Franky était introuvable comme aujourd'hui, et tout le groupe a suivi sa mère Sofía jusqu'ici. Tout comme la dernière fois, iels ne savent pas si Franky est ici ou non, mais au moins il est certain que sa mère est là-dedans.

Je ne comprends pas pourquoi Sofía accepte de travailler le samedi, se dit Tamara. Je me rappellerai de pas postuler à E.GG dans le futur.

"C'est bon! On peut rentrer, dépêche toi."

Tamara et Christian filent dans le hall d'entrée. Lors de leur dernière intrusion, seul Christian avait réussit à atteindre Franky. Elle était endormie dans une grande machine au cœur d'une salle toute blanche. Comme il se souvient du chemin, c'est lui qui dirige Tamara jusqu'à cette pièce. Par chance, iels ne croisent aucunE scientifique sur la route.

La pièce de la dernière fois est malheureusement vide. Christian se demande s'il ne s'est pas trompé, mais l'immense œuf dans le coin lui confirme que c'est bien là qu'il a vu Franky la semaine dernière. Tamara commence à fouiller dans les tiroirs dans l'espoir de trouver quelque chose d'intéressant -et d'incriminant, si possible- sur cette chère Franky.

"Tamara arrête. On est pas venuEs pour ça."
"Ça va, je peux bien prendre quelques photos. Ça t'intéresse pas d'en savoir plus sur ta crush?"
"C'est pas ma crush. Laisse ça, on va chercher ailleurs."
"Oui oui..." dit Tamara en réponse aux deux phrases.

L'adolescente prend le temps de faire deux ou trois photos des documents dans le tiroir tout de même, avant que son regard se fige sur une phrase en particulier. Christian ne peut retenir sa curiosité et se rapproche d'elle pour voir ce qu'elle a trouvé.

"Bon, on y va?" crie Tamara avec une voix suraiguë en fermant le tiroir brutalement.

Il ne faut absolument pas que Christian lise ce qu'elle vient de lire.

Tamara n'en croit pas ses yeux. L'information est tellement ahurissante qu'elle n'arrive pas à y croire. Si ce qu'elle vient de lire est vrai, alors la petite nouvelle n'est pas une adolescente banale mais une pure merveille de la science.

Comme Tamara s'intéresse à tout ce qui touche de près ou de loin à la technologie, elle ne peut pas s'empêcher de sourire. Pour elle c'est une nouvelle formidable et révolutionnaire! Mais pour Christian qui semble éperdument amoureux de Franky, cette réalité risque de ne pas lui faire le même effet.

Pour protéger son ami, Tamara le prend par le bras et le fait sortir de la pièce. Au même moment, Christian reçoit une notification qui fait un bruit pas possible. Tamara lui demande de se mettre en mode silencieux pour éviter qu'iels soient repéréEs.

"C'est Delfi..." lit-il. "Elle dit que tout ce que fait Loli lui donne encore plus de travail. Elle est obligée de tout le temps passer derrière elle, la pauvre ha ha ha."
"J'imagine qu'elle nous supplie de revenir?"

Christian lui tend son téléphone. Tamara lit le dernier message: "Revenez vite sinon je vous tue!!" Elle rigole en se cachant la bouche pour ne pas faire trop de bruit. Elle et Christian vont vraiment devoir réfléchir à comment ne pas subir sa colère quand iels reviendront.

"Bonjour les enfants, je peux vous aider?"

Tamara et Christian s'arrêtent brusquement. Iels croisent les doigts en espérant ne pas être tombéEs sur le patron ou unE scientifique chiantE. Heureusement pour elleux, iels se retrouvent nez-à-nez avec un visage amical.

"Vous savez, si le labo vous intéresse autant je peux en parler au chef et on peut vous organiser une visite hein. Pourquoi est-ce que vous jouez tout le temps aux espionNEs?"

Le ton de Pancho est un peu moqueur mais complétement inoffensif. Impossible pour les deux ados de se sentir menacés par ce grand sourire. Devoir gérer des intrusES a le mérite de briser un peu sa routine.

"On cherche juste Sofía!" s'écrie Christian "Elle répond pas au téléphone et on sait pas où est Franky et..."
"Du calme mon grand. Je me doute bien que c'est pour ça que vous êtes là. Sofía va devoir demander qu'on vous fasse un pass, ha ha ha. Je l'ai vu tout à l'heure avec Paul dans la chambre de Lu..."

Pancho se coupe tout seul. Il adore discuter et faire la commère mais il doit se rappeler qu'il y a énormément de choses dans ce laboratoire qui sont top secrets. C'est OK qu'il en parle à ses amiEs malgré les accords de non-divulgation parce qu'il leur fait confiance, mais les deux enfants aux yeux écarquillés devant lui ne sauront jamais garder de tels secrets.

"Sofía est au deuxième étage. Je veux bien que vous alliez lui parler, mais vous allez me suivre et faire tout ce que je dis, d'accord?"

Christian et Tamara hochent la tête, toustes contentEs. Normalement, si Pancho fait tout pour faire sortir Sofía de la chambre de Luz sans que les deux lascars ne voient l'androïde à l'intérieur, ça devrait bien se passer.

Maintenant, la seule personne qu'il va falloir éviter est le patron.


La tête de Charlie va exploser. Il a l'impression de vivre le samedi le plus long de sa vie, et pense déjà à partir en vacances dès lundi prochain pour se calmer les nerfs. Qu'est-ce que c'est dur, d'être patron.

Maintenant qu'il a réglé un léger contretemps, il n'a qu'une idée en tête: retrouver Sofía et Paul et les secouer un peu. Entre lia dernièrE androïde de E.GG qui fait sa vie et les deux employéEs responsables de son androïde la plus précieuse qui font aussi leur vie, Charlie ne sait plus où donner de la tête. Il n'a pas envie de passer ses journées derrière tout le mode pour leur rappeler comment faire leur boulot.

La scène qu'il découvre dans la chambre de Luz ne lui plaît pas, mais alors pas du tout.

Sofía et Paul sont encore là-dedans alors qu'il est presque midi, et aucunE des deux ne daigne remarquer la soudaine apparition de leur chef. Iels continuent de discuter comme si de rien était, et ne s'arrêtent que quand Charlie tape deux fois dans les mains.

"Oh! Qu'est-ce qui se passe ici?"
"Rien du tout, Sofía et Paul règlent mes problèmes comme prévu." répond Luz avec une voix qui change de tonalité sur chaque mot.
"Vous réglez ses problèmes ou vous lui en rajoutez?"
"On s'en occupe chef." dit Paul avec un grand sourire qui se veut innocent. "On était juste en train de... Enfin, j'étais en train de régler autre chose."

Charlie est à deux doigts de les virer sur-le-champ. Il n'a jamais vu ses deux meilleurEs employéEs dans un état pareil. Paul qui se croit malin à la limite ça le choque pas trop, mais pourquoi Sofía ne répond à aucune de ses questions? Ignorer comme ça la hiérarchie ne lui ressemble pas.

"Bon, écoutez. Vous allez mettre Luz en mode repos et vous allez vous occuper de Franky maintenant. J'ai du faire sortir des enfants à sa recherche et qui posaient beaucoup trop de questions. Il y a assez à faire avec Franky, donc laissez Luz là."

C'en est trop. Luz fait ce qu'iel à envie de faire depuis qu'iel est arrivéE en 2035, à s'avoir activer ses ondes delta en direction de Charlie. Dóminus ne va pas la lâcher là-dessus une fois qu'il l'apprendra, mais ça commence à bien faire. Certes, Luz n'est pas senséE hypnotiser tout le monde à tout va car cette capacité fait du mal aux cerveaux des humainEs si elle est trop utilisée, mais c'est le seul moyen que Charlie les laisse une bonne fois pour toute. Et puis Luz s'en fout un peu de faire du mal à Charlie qui la traite tout le temps comme une merde.

De manière très peu naturelle, le patron s'arrête donc dans sa tirade, puis une expression neutre remplace instantanément sa colère, et il part enfin sans dire un mot.

"Chef?..." demande Paul en se penchant en arrière pour le regarder partir.
"T'en fais pas, il a un juste autre rendez-vous qu'il a oublié."

Cette fois-ci la tonalité de Luz est restée en place. Sa voix est presque revenue à sa fréquence de base, elle est juste un tout petit peu en dessous de l'originale.

Avant que Charlie n'arrive, Paul était en train de montrer à Sofía quelques paramètres de base chez les androïdes. Il a montré les fichiers qui s'occupent de sa voix, là où était stockée sa mémoire, comment faire pour optimiser certaines fonctionnalités...

Évidemment Luz s'est débrouilléE pour cacher certainEs fichiers avant qu'iels puissent fouiller dedans, ou alors pour activer quelques mots de passe par ci par là.

À vrai dire pour ce qui est de la voix, Luz a décidé de profiter de l'état actuel de Sofía et Paul pour leur demander quelque chose qu'iel veut faire depuis un moment. Iel a demandé à ce qu'on la rendre un peu plus grave. C'est quelque chose à laquelle Luz pense depuis un moment, mais iel savait que personne ne lui en donnerait jamais l'autorisation. Si Dóminus lui demande de la remettre comme avant, iel pourra dire que c'est la faute à ses créateurices, et puis que ça fait partie de sa mission ou peu importe. Tant que ce n'est pas Luz ellui-même qui le fait, iel trouvera un moyen de le tourner pour que ça passe.

"Mais pourquoi il fait que nous parler d'une Franky? C'est encore une androïde dont il m'a pas parlé et dont il veut que je m'occupe?"
"Je suis déjà partie pour moins que ça." rigole Sofía. "En tout cas Luz ne t'inquiète pas, on partira pas sans régler le problème dans le fichier des relations."
"On?"

Sofía sourit, un peu gênée. Comme si elle allait pouvoir faire quoi que ce soit, c'était un peu bête de dire ça. Mais pour une raison qu'elle ne s'explique pas elle ne veut vraiment pas laisser cetTE androïde touTE seulE, et encore moins dans les mains de l'instable patron de E.GG.

"Enfin, toi."

Paul réfléchit un peu. Normalement il sauterait sur n'importe quelle occasion de se vanter, surtout qu'il n'en a jamais la chance. Mais ne sentant aucun jugement négatif à son égard de la part de Sofía, il se sentirait un petit peu mal à l'aise de réagir comme à son habitude. C'est tellement rare qu'il se mette à penser comme ça qu'il ne sait pas trop comment réagir.

"En vrai, si tu as bien compris ce que je t'ai expliqué tout à l'heure tu vas pouvoir retrouver le truc. Vas-y." laisse-t-il donc échapper malgré lui.

Paul fait un pas en arrière sans trop regarder Sofía, pour lui laisser la place de se mettre à l'écran géant devant lui.

Luz n'en peut plus. Oui pour que Sofía l'aide, mais pas celle-là! Paul, pourquoi tu ranges ta fierté de côté et tu laisses cette novice régler mon problème là? Pourquoi il faut que tu sois toujours autant out of character quand elle est à côté de toi, c'est pas possible...

"Bon, j'essaye mais tu me dis si je fais n'importe quoi."

Luz sait que sa demande est dirigée vers Paul, mais l'androïde ne laissera jamais sa programmation entre les mains de ce scientifique de bas étage et de cette bleue qui n'a jamais vu d'androïde comme ellui. Luz s'approche donc de l'écran pour arrêter Sofía ellui-même si vraiment elle fait une dinguerie.

Depuis que Paul a révélé la présence des lignes problématiques de son fichier qui s'occupe de ses relations, Luz se tourne les méninges pour savoir qui a bien pu lui faire ça.

Il n'y a pas 36 suspectEs. Il se peut que ce soit juste un oubli de la part san créateurice, mais vu qu'iel n'a aucune idée de qui l'a conçue c'est difficile d'être sûrE de quoi que ce soit. Et les deux autres suspects sont Dóminus et Charlie évidemment. Aucun moyen que ce soit Mme. Durán qui lui demande constamment de vérifier ce qu'elle écrit sur internet pour être bien sûre.

Mais surtout, si ce n'est pas une erreur, pourquoi mettre ça là? Qui profite de ce bug intégré dans sa programmation? Est-ce que Dóminus lia sabote exprès pour que Luz ne sache jamais qui l'a créé? Ou alors Charlie ne veut pas qu'iel interfère dans la vie de Franky après qu'il ait causé par inadvertance l'inscription de Luz au lycée?

Trop de questions, et aucun temps pour y répondre. Luz se doit de faire attention à ce que Sofía ne fasse pas n'importe quoi avec sa programmation.

Mais contre toute attente, Sofía retrouve le fichier problématique que Paul a débusqué tout à l'heure et réexplique avec ses mots le problème pour être sûre qu'elle a bien tout compris. Une fois que Paul acquiesce, elle tape quelques lignes sur le clavier, modifiant la partie de tout à l'heure.

Sofía est vraiment incroyable. Même dans son état actuel sans aucune base sur les robots, elle est capable d'assimiler une quantité d'informations impressionnante... C'est à se demander si elle n'est pas un robot elle-même. Elle ne va pas aussi vite que son alter ego d'une autre temporalité certes, mais on retrouve en elle la même vivacité et la même envie de bien faire les choses.

Tout à coup et sans prévenir, le flot d'informations entre l'ordinateur et Luz s'interrompt. Avant qu'iel ne puisse comprendre pourquoi, son audition se coupe, son toucher se désactive, son cœur s'arrête.

Ses yeux s'éteignent, mais ça ne change pas grand chose. Son champ de vision était déjà plongé dans le noir.


Dès que la voiture d'Inés tourne au coin de la rue, Franky et Clara se ruent vers la porte d'entrée pour retrouver Sofía. Ce coup de chance les sauve: après avoir rangé les courses, Inés a reçu l'appel de son amie Cristina sur une sorte de machine téléphonique que Clara n'a jamais vu et a du filer la voir. Franky et Clara espèrent qu'il n'arrive rien de grave à Cristina tout en la remerciant pour la diversion.

"Allez venez." leur dit Sofía en ouvrant la porte. "Je vais préparer un goûter."

Clara jette un œil au bras que sa sœur cache dans son dos avant de rentrer dans la maison. La ligne violette est en train de remonter jusqu'à son coude! Paniquée, Clara retire son pull et le met sur l'épaule de Franky, puis la tire par l'autre bras pour rentrer en vitesse.

Une fois assises autour de la table de la cuisine, Sofía pose devant elles une assiette pleine de gâteaux aux noix et des verres de jus de fruit.

"C'est mes gâteaux préférés!!" sourit Clara avant d'en prendre quatre en même temps.
"Vraiment? C'est parfait alors. Franky, sers toi."

L'androïde regarde les gâteaux et le jus comme s'ils étaient empoisonnés. Elle les repousse le plus poliment possible mais n'arrive pas à masquer son dégoût.

"On a déjà mangé un goûter tout à l'heure." ment Clara entre deux bouchées. "Moi j'ai tout le temps faim mais ma sœur a un petit appétit. C'est pas grave, je vais manger pour nous deux."

Ça ne règle pas le problème de la boisson, mais Clara sait y faire. C'est très facile de distraire l'attention de sa maman ailleurs et de boire à la place de Franky petit à petit.

Clara souffle avec un sourire. Elle se dit que Franky a vraiment de la chance de l'avoir comme petite sœur, aucun androïde ne pourrait être mieux accompagnée. Non seulement Clara sait se sortir de n'importe quelle situation et ment comme personne, mais en plus elle trouve toujours un moyen de récupérer quelque chose pour elle même. Aujourd'hui, elle s'en sort avec des gâteaux plein les poches.

"...Qui vous a dit que j'avais envie de faire des robots?" demande timidement Sofía après quelques minutes.

Techniquement ton toi du futur, pense Clara.

"C'est une connaissance de connaissance de..." commence Franky avant de revisionner une archive. "Franny."
"Ha ha, ça m'étonne pas d'elle."

Ce nom ne dit rien à Clara. Elle est quasi sûre qu'Inés l'a mentionné tout à l'heure mais ça ne lui dit pas vraiment qui c'est pour sa maman. Et puis elle ne sait même pas de quoi "Franny" est le diminutif. Même si Clara a très envie d'en savoir plus, quand elle repense à sa sœur qui est en train de disparaître, elle préfère laisser la conversation avancer plutôt que les interrompre.

"Mais je vais pas aller étudier en robotique. Vous avez vu la réaction de ma mère?"
"Pourquoi tu veux faire des robots?"

Cette question s'est échappée de la bouche de Franky sans que son système la formule au préalable. Clara prend sa main encore intacte et la serre affectueusement.

La question semble surprendre Sofía au moins autant que Franky. La réponse parvient aux oreilles de l'androïde du côté de sa maman et de son papa en parfait unisson.

"Parce que je les aime et que je croit en eux."

Sofía continue, cette fois-ci toute seule.

"J'ai envie de créer des androïdes capables de vivre avec des humainEs, même si je mets vingt ans, trente ans à le faire."

En écoutant tout cela à nouveau, Wilson ne peut pas s'empêcher d'être très ému. Il essaye de retenir ses petites larmes pour ne pas que Franky s'inquiète, mais ses reniflements à répétition ne sont pas vraiment plus discrets.

"Sofía, il faut que tu suives tes rêves et que tu ailles étudier la robotique." lui dit Clara.
"Non, pas tout de suite." soupire Sofía. "J'irai plus tard, c'est pas grave. Je ne veux pas que ma mère s'inquiète encore plus pour moi."

Sofía regarde un peu dans le vide avant de se reconcentrer sur ses invitées.

"C'est quoi alors, le problème de votre ami?"
"Il a... Il essaye de..." commence Clara.

Franky lui chuchote quelque chose à l'oreille. Clara est sûre qu'elle a mal compris ce que vient de lui dire sa sœur.

"Une mouche?" demande-t-elle à sa grande sœur pour confirmer l'information.
"Votre ami fait une mouche robot?"

Wilson se rappelle parfaitement de la mouche Mejía, dont les nombreux tests ont ruiné plus d'une soirée qui se voulait chill et reposante. C'est donc la seule invention de l'époque qu'il a pu souffler à sa fille, vu qu'il n'a aucun souvenir des autres. Il entend à l'autre bout du fil les petits rires de Clara. C'est vrai que le concept de mouche robot paraît un peu drôle sans contexte.

Soudain, Wilson réalise que sa cible vient de passer devant lui. Il était trop occupé à penser et à parler à ses filles pour se concentrer correctement.

"Paul arrive!" dit-il sans que le concerné ne l'entende. "Je vais essayer de le retenir, mais dépêchez-vous de venir les filles."

Franky et Clara auraient aimé parler avec leur maman toute la journée. Elles étaient tellement prises dans la discussion qu'elles en ont oublié ce qu'elles faisaient là.

"Bon Sofía, c'est maintenant où jamais! On va te présenter à notre ami qui fait des robots."

Sofía essaye de refuser poliment mais se fait traîner dehors par Franky et Clara qui semblent n'en avoir rien à faire de son avis. Mais la curiosité l'emporte, et Sofía finit par céder. Il faudra juste qu'elle trouve une très bonne excuse quand sa mère reviendra.

Une fois dans la rue à nouveau, Franky pense à mettre Sofía et Clara sur son dos pour les livrer à la porte de Paul en une fraction de seconde, mais c'est trop dangereux pour sa couverture. Elle se contentera de tirer Sofía par le bras avec une force un tout petit peu surhumaine, sans regarder son autre bras qui a sans aucun doute encore plus disparu.


"Merde! Sofía, comment iel va?"

Ce sont les premiers mots que l'androïde entend quand ses paupières se soulèvent. Avec son sens du toucher quelque peu différent de celui d'unE humainE, iel a la sensation d'être dans les bras de quelqu'un. C'est une expérience qu'iel ne connaît pas et qu'iel prend donc le temps et le soin d'archiver.

Les androïdes ne ressentent pas la douleur. Par conséquent, les androïdes ne seront jamais cajoléEs et chouchoutéEs quand quelque chose dans leur système ne fonctionne pas. Après tout, c'est parfaitement inutile.

Mais cetTE androïde aimerait bien rester dans les bras de quelqu'un comme ça toute sa vie...

"Comment tu te sens chaton?"

Malgré toute sa bonne volonté, aucun son ne s'échappe de la bouche de l'androïde. En cherchant dans son système à qui appartient le corps qui la tient près d'elle après un scan rapide de son visage, aucun résultat n'apparaît.

"Personne a fait de backup ou quoi? Voilà ce qui se passe quand vous me prévenez pas qu'on achète des androïdes en fait!"
"Qu'est-ce qu'on fait alors? J'ai l'impression qu'iel peut même pas parler." dit Sofía avant de mettre doucement sa main sur la tête de l'androïde. "Désolée Luz, on va trouver une solution."

Luz... Alors c'est comme ça que je m'appelle...

"OK, on va essayer de remettre en état les trucs principaux. Vu à quoi ressemble son système j'imagine qu'iel sait même pas qui iel est. Ah, attends."

Paul appuie deux fois sur l'archive qui vient d'apparaître devant lui. Il y voit le prénom de Luz que le système de l'androïde vient d'archiver.

"On devrait commencer par sa mémoire alors." propose Sofía en voyant l'icône du fichier vidéo.
"Je suis d'accord, les archives d'abord. Ça évitera qu'iel panique et nous crie dans les oreilles. Bon, normalement je devrais les retrouver par là..."

Luz reste là sans comprendre ce qu'il lui arrive. Petit à petit, iel voit des tonnes de fichiers vidéos se restaurer dans le dossier de ses archives. Pour les traiter correctement, son système lui montre toutes ces vidéos une à une. Toute sa vie lui revient en quelques secondes, et ce n'est pas une expérience qu'iel qualifierait d'agréable.

Chaque souvenir est pire que le précédent. On y voit des humainEs qui lui parlent mal, un androïde tout bleu qui lui parle mal, des camarades de classe qui lui parlent mal... Il aurait peut-être mieux valu que Luz perde ces fichiers à tout jamais.

"OK, ça ça devrait être bon... Maintenant, le reste des fonctions."

Sofía le regarde attentivement, tout en faisant attention aux réactions de Luz. Paul est immobile face à l'écran translucide qui affiche tous les fichiers de base de l'androïde. Certains sont corrompus, et d'autres ont juste complétement disparu. Même en regardant dans la corbeille et en faisant une recherche rapide, ces fichiers-là sont complétement introuvables.

"Hmm..."

Paul ne le dira pas de vive voix pour conserver le peu de réputation qu'il pense encore avoir, mais il ne se souvient absolument pas de l'organisation et du contenu des fichiers de cette partie.

C'est toujours plus facile de comprendre et lire ce que les autres écrivent, mais tout rédiger de zéro ne fait pas parti de son domaine d'expertise.


Paul a l'air complétement dépité. Il traine des pieds pour rentrer et regarde en l'air avec un regard distant. Wilson se force à oublier tout sentiment négatif qu'il porte à son égard pour se concentrer sur sa mission. Il ne faut pas que Paul rentre chez lui. Une fois enfermé là-dedans, Wilson n'arrivera jamais à le faire sortir.

"Paul, eh oh!"
"Vous êtes qui vous?" s'écrie Paul, qui regarde l'inconnu se rapprocher vers lui de haut en bas.
"Je suis prof à la fac de robotique. Je venais te voir pour parler de tes inventions."

Drôle de réaction de la part de Paul. Au lieu de sauter sur l'occasion de se vanter de ses créations robotiques, il grogne et contourne Wilson sans dire un mot. C'est quand même très inattendu, surtout venant de ce Paul-là qui ne la fermait jamais sur ses inventions même si Wilson n'en avait strictement rien à faire.

"Attends, pourquoi tu t'en vas comme ça?" tente Wilson. "C'était pour te féliciter!"
"C'est ma mère qui vous a forcé à me dire ça?"

Je sais même pas qui est ta mère mon gars. Prend le compliment et arrête de me regarder comme ça, pourquoi est-ce qu'il est aussi maussade là? C'est sûr que ça devait être moins fun de faire les tests de son robot tout seul, mais c'est pas comme si il avait un point de comparaison.

Wilson glousse. Le plus probable c'est que sans Sofía c'est vraiment un bon-à-rien, et lui ça le fait rire forcément.

"Pas du tout, j'ai vu tes designs et c'est vraiment bien." ment-il en essayant de pas trop rigoler quand même. "Je voulais savoir si tu avais d'autres designs en réserve, en fait."
"Ah ouais, vraiment bien..." dit Paul avec ironie. "J'ai pas le temps pour vous, je dois rentrer."

La vérité c'est que les tests de cet après-midi ont été un véritable fiasco, comme l'a correctement déduit Wilson. Son drone est incapable de voler en ligne droite, il ne peut pas porter un objet plus lourd qu'une petite branche, et il ne répond aux commandes qu'une fois sur dix. Sans aucun doute, Brigitte a encore vanté les mérites de son fils préféré à tous les professeurs du campus alors qu'il est incapable de réussir ne serait-ce qu'un robot volant aussi simple.

Sa mère n'a pas l'air de se rendre compte à quel point c'est humiliant pour lui qu'elle ne fasse que répéter qu'il est le meilleur alors qu'il sait pertinemment que ce n'est pas le cas. C'est d'ailleurs pour ça qu'il est sorti de la maison pour faire ses tests, alors pourquoi l'individu en face de lui a l'air aussi au courant de ses essais et de son robot?

Là tout de suite il a juste envie qu'on lui lâche la grappe. Il a juste besoin de ne serait-ce qu'une minute de répit avant que Brigitte ne débarque pour lui hurler bon anniversaire et compagnie.

Mais l'inconnu n'a pas l'air de vouloir le laisser tranquille. Paul ne comprend pas son attitude et ses changements d'expressions faciales. Là il est en train de regarder au loin d'un air inquiet, ce qui est la parfaite distraction pour que Paul puisse s'enfuir vers chez lui en douce.

Mais tout à coup, l'inconnu se jette sur le sac à dos de Paul, le chope et puis se met à courir à pleine vitesse vers le point qu'il regardait plus tôt.

C'est quoi ça encore?

"Vous faites quoi là??" hurle Paul avant de se jeter à sa poursuite.

Wilson ne répond pas. Son cœur bat à mille à l'heure, il n'a vraiment pas l'habitude de courir aussi vite sans s'échauffer avant. Il mise tout sur le fait qu'il a de plus grandes jambes que le Paul du passé pour atteindre son objectif avant qu'il ne puisse le rattraper.

Ses filles ont tourné au coin de la rue il y a une minute, et comme Paul n'était -et c'est plutôt compréhensible- pas du tout coopératif, Wilson a fait la première chose qui lui est passé par la tête: jouer aux voleurs.

Plus il se rapproche de ses filles, et plus il remarque la drôle d'allure de Franky. Elle ne marche pas droit du tout, et ses jambes sont cachées par une sorte de jupe mal mise... En arrivant auprès d'elles, il constate que ce sont en fait deux t-shirt attachés ensemble qui sont enroulés autour de sa taille.

Wilson ne remarque même pas la Sofía qui les accompagne. Toute son attention est concentrée sur sa Franky qui a l'air très mal en point. À ses côtés, Clara tremble de peur et n'ose même pas la regarder.

"Qu'est-ce qui se passe les filles?" dit-il en balançant le sac de Paul plus loin.
"Papa, Franky est en train de disparaître."

Clara commence à relever discrètement le pull autour du bras de Franky, ce qui laisse apparaître le filament violet qui la fait rend invisible. Wilson reste sans voix. Il n'a jamais eu autant peur de toute sa vie. De manière automatique, il porte Franky et la hisse sur son dos, puis prend la main de Clara pour les emmener toustes les trois loin des regards indiscret.

Un bruit sourd résonne derrière le trio, ce qui les fait se retourner. Iels découvrent Sofía et le voisin par terre en train de se tenir la tête de douleur. Wilson hoche la tête rapidement et continue d'avancer avec sa Franky sur le dos.

Même si la nouvelle rencontre des loulous est plus douloureuse que celle d'origine, ça fera l'affaire se dit-il. Franky tente de dire à son père et à sa petite sœur que tout va bien et qu'il ne faut pas s'inquiéter, mais le grésillement robotique dans sa voix et les pauses aléatoires au milieu de ses phrases ont l'effet inverse.

Derrière elleux, les deux oiseaux assis par terre tentent de faire sens de ce qu'il vient de leur arriver. Sofía tient sa tête dans sa paume de main, mais n'a en réalité pas eu si mal que ça. À l'inverse, son compère crache depuis qu'il est tombé quatre ou cinq insultes par seconde histoire de se calmer les nerfs.

Un faisceau de lumière vient frapper Sofía en plein dans l'œil. Quand elle trace son origine, elle remarque le sac à dos qui est par terre à côté de celui qui lui a foncé dessus. À l'intérieur, il y a des pièces métalliques qui retiennent toute son attention.


"Tu te rappelle ce que tu as fait tout à l'heure Sofía?"
"Comment ça?"
"Tu sais, le fichier bizarre avec deux fonctions opposées en même temps. Sans ça Luz pourra pas interagir correctement avec les humainEs."
"Je suis pas sûre... Tu t'y connais mieux que moi."

Paul semble agité. C'est pas tous les jours qu'il doit dévier un commentaire positif sur lui, il n'est pas habitué. Il n'est pas du genre à douter de ses capacités, mais vu comme il est perdu et comment elle lui fait confiance, il a l'impression de la mener en bateau.

"Oui, mais là je sais plus et t'as l'air d'avoir une bonne mémoire."
"C'est vrai... Mais je retiens mieux quand je comprends bien quand même, et là il y a même plus de base."
"Sofía, tout à l'heure tu t'en es très bien sortie, fais-toi confiance. Viens là, je réécris ce que je pense et tu me dis si c'est pareil que dans ta mémoire, OK?"
"D'accord..."

Sofía est un peu surprise, mais accepte de se mettre devant l'écran à ses côtés. Elle est obligée de laisser Luz derrière elle, et rate la réaction peinée de l'androïde qu'elle vient d'abandonner.

Avant toute chose, Paul éteint Luz en lia prévenant rapidement et sans grand soin. Ça lui vaut un sale regard de la part de sa camarade qu'il choisit d'ignorer. Il ouvre un des fichiers dont il se souvient le mieux, et y écrit en vitesse une dizaine de lignes.

"Je crois que ça c'était avant ça." lui dit Sofía. "C'était même au tout début."
"Normalement ça se met là. C'est le genre de truc qu'on met plus bas, parce que..."

Paul commence à lui expliquer avec bien plus de détails que tout à l'heure ce que fait chaque ligne et pourquoi. Plus elle l'écoute et plus Sofía comprend pourquoi la ligne qu'elle a vu en premier devrait être plus loin, mais elle est formelle.

"Je comprends, mais je te promet que c'était en premier."

Paul ne saurait pas expliquer pourquoi il lui fait confiance.

Il copie et colle la partie au début et attend de voir ce que ça va donner.


"C'est toi l'ami qui fait des robots?" demande Sofía.

Elle s'est assise juste à côté du sac ouvert pour mieux regarder ce qu'il y avait à l'intérieur. Sofía se rappelle que Clara et Franky lui ont parlé d'une mouche robot, mais vu la taille et l'apparence de la bestiole, ça ne peut pas être ça. Les pièces métalliques ont la forme d'un insecte indéterminé, qu'elle imagine être une sorte de sauterelle aux ailes grandes ouvertes.

Le motif sur celles-ci est un peu brouillon pour être honnête, mais sa couleur est plutôt jolie. Il y a quatre petites hélices de part et d'autre de l'insecte, sûrement pour le faire voler. C'est sans quitter le robot des yeux une seconde que Sofía lui a posé sa question.

"Arrêtez avec ça! Je ferais plus de robots, ça m'intéresse plus."

Sofía ne comprend pas cette réponse. Si c'était elle qui avait fait ça, elle en serait si fière!

Ce qui lui arrive semble trop beau pour être vrai, c'est littéralement la première fois qu'elle voit un robot d'aussi près. C'est bien plus impressionnant que de le voir sur son ordinateur ou à la télé.

Sofía n'arrive pas à se retenir: elle appuie en vitesse sur le gros bouton rouge situé sur l'abdomen de la petite sauterelle. Le drone lâche un petit bruit aigu, puis ses hélices se mettent lentement à tourner.

Un mouvement de la part de l'individu en face d'elle lui rappelle qu'elle n'est pas toute seule, et que le drone ne lui appartient pas du tout. Se sentant soudainement embarrassée par ce rappel et par son geste sûrement trop audacieux, elle se résigne et rappuie sur le bouton pour éteindre le petit robot.

"Ça marche quand même hein, faut pas exagérer." dit Paul en sortant une télécommande de sa poche.
"J'ai pas dit ça. Il sert à quoi?"
"...Normalement à livrer des trucs."
"J'ai déjà dessiné un robot pour porter des trucs lourds. C'est possible avec un drone aussi petit?"
"Bah! Oui, évidemment. Je fais pas n'importe quoi."

Paul le rallume, et fait en sorte qu'il porte son sac par terre. Des câbles avec grapins sortent du thorax de l'insecte, et attrapent fermement deux bouts du sac. Bien que ce dernier soit totalement vide et donc pas vraiment lourd, Sofía a l'impression de voir la sauterelle froncer les sourcils tellement elle galère. Ça a le mérite de la faire rire, mais ça n'amuse pas son compère.

"Désolée, il est incroyable ce ptit truc." dit-elle honnêtement. "Regarde-la la pauvre, elle fait de son mieux mais sa structure là ça va pas du tout. À cet endroit-là là, c'est là que ça coince."

Sofía attrape l'insecte sans crier gare, et Paul désactive les hélices pour ne pas qu'elle se fasse mal. En remarquant le problème qu'elle pointe, Paul repart à souffler et à bouder.

"Si c'est pour me dire que c'est mort, dis-le tout de suite."
"Pourquoi tu fais que me faire dire des trucs que j'ai pas dit? J'ai jamais vu un robot aussi incroyable avant, alors ça m'étonne de voir que c'est juste ce bout qui..."

Sofía bidouille un truc à l'endroit qui pose problème sans le moindre outils mais avec une grande précision tout de même. Une fois qu'elle a terminé, elle accroche à nouveau le grapin de la sauterelle au sac.

Cette fois-ci, ça fonctionne. Le drone s'envole avec le sac dans les pattes à quelques mètres au-dessus d'elleux.

"Ha ha ha! Je savais que ça allait marcher! Paul Mejía va révolutionner le monde de la science!" crie-t-il avant de se corriger. "Enfin, je veux dire... T'es qui toi d'ailleurs?"
"Sofía! C'est super que t'ais plus envie d'arrêter avec les robots."
"Quand j'ai dit ça?"

Ce Paul Mejía a l'air d'avoir une mémoire très sélective se dit Sofía. Les deux regardent l'insecte s'envoler avec émerveillement et sans rien se dire de plus. Mais au moment ou Paul veut cliquer sur un bouton de sa télécommande pour le faire changer de trajectoire, le drone chute et s'écrase sur le sol avec fracas.


Un message d'erreur apparaît sur l'écran géant. Leurs efforts combinés n'ont pas l'air d'avoir suffit. Paul est livide, il sait très bien que son avenir dans la boîte dépend de ce moment. Ça fait des années que Charlie veut se débarrasser de lui et c'est déjà un miracle qu'il soit encore là, alors après toutes les horreurs d'aujourd'hui il n'a vraiment plus aucune chance de rester.

"Désolée, j'étais sûre que c'était ça!" s'excuse Sofía en voyant la tête de son acolyte.
"C'est pas grave, on va réessayer."

Paul refoule ses émotions comme il sait si bien le faire et se concentre uniquement sur sa tâche sans penser à toutes ses angoisses. Stop aux scénarios catastrophe pour une fois, avec l'aide de Sofía il pense qu'il va pouvoir y arriver. En tout cas c'est ce qu'il ressent, encore une fois sans vraiment pouvoir l'expliquer.

De son côté Sofía a complétement confiance en leur réussite. Elle repense à Luz et à tout ce que Paul lui a appris plus tôt, et ça lui suffit pour garder la tête haute. Les situations stressantes, ça lui connaît.

"Ah attends. Il manque une ponctuation ici."
"Merci. Je te jure, comment j'arrive à toujours faire des erreurs d'inattention comme ça." se plaint Paul pour lui-même.

Mais évidemment, il n'est pas tout seul dans la pièce et Sofía l'a entendu. Paul est trop habitué à travailler tout seul, et donc à parler tout seul. C'est tout nouveau pour lui d'avoir une partenaire qui l'aide comme ça.

"C'est ellui le robot, pas nous. C'est OK." dit Sofía avec détermination en pointant Luz.

Paul sourit malgré lui. C'est peut-être pas si mal d'être en duo, en fait. Pourquoi est-ce qu'on l'a convaincu toute sa vie qu'il valait mieux être indépendant, et qu'il s'en sortirait mieux s'il se débrouillait tout seul dans son coin, du coup?

Un autre message d'erreur apparaît sur l'écran.


"Mmh. Bon, qu'est-ce qui se passe maintenant..."

Paul s'est rapproché du drone tombé un peu plus loin pour mieux l'examiner. Heureusement, sa structure n'a pas été trop endommagée. C'est en général le point principal sur lequel se concentre Paul quand il créé des robots. Vu que ses idées laissent à désirer et finissent toujours pleines de bugs, le moins qu'il puisse faire est de faire en sorte que la structure de ses robots soient résistantes. Comme ça même quand tous les problèmes arrivent, ses créations restent bien en place.

Sofía n'a pas bougé depuis tout à l'heure. Elle regarde Paul et son robot de loin en guettant le ciel de temps en temps. Paul lui fait un signe de la main.

"Tu veux pas voir?"
"J'en sais pas plus sur les robots que ce que je t'ai dit. Je sais pas pourquoi il est tombé cette fois, je peux pas faire grand-chose."
"Viens voir." dit Paul comme pour réfuter tout ce qu'elle vient de dire.

Sofía accepte avec joie. Les deux s'affairent donc à réparer le pauvre insecte sous leurs yeux, tout en essayant de trouver ce qui a bien pu le faire tomber comme ça. Paul fuse de de théories, et Sofía ne peut pas suivre tout ce qu'il raconte. Elle demande d'abord qu'il lui explique comment il a assemblé son robot, et aimerait aussi voir ses plans de fabrication.

"Je fais jamais de plans pour mes robots. J'y vais juste à l'instinct." renifle-t-il.

En entendant cela, Sofía le rouspète un peu. Comment ça aucun plan, comment tu fais alors pour t'en sortir quand il y a des problèmes? Pendant qu'elle lui explique tous les bénéfices de la planification, Paul l'écoute sans rouler des yeux une seule fois. Si c'était sa mère qui lui sortait un discours pareil il n'écouterait rien, mais là il ingère tout attentivement.

Même si Sofía est frustrée par les méthodes de Paul, elle ne peut pas s'empêcher d'être impressionnée par la qualité du rendu. Comment il arrive à faire un truc pareil sans avoir fait au préalable ne serait-ce qu'un brouillon dessiné à la va-vite? C'est pas croyable. Tout ce qu'elle sait faire elle c'est planifier, et puis... Ne rien faire ensuite. La manière de faire de Paul ne lui plaît pas mais le fait est que lui au moins, il a son robot dans les mains.

Une fois que Paul a expliqué le fonctionnement de sa sauterelle du mieux qu'il peut et sans aide visuelle, les deux se mettent à la réparer soigneusement. C'est la première fois qu'elle le voit, et pourtant Sofía arrive très bien à régler ce qu'il faut sans trop d'aide. Après une éternité et avec un ton qui trahit le fait qu'il n'a jamais fait ça, Paul marmonne un compliment.

"C'est gentil merci. T'es en fac de robotique toi aussi alors?"

Après tout, ce n'est pas comme si Paul aimait parler à ses camarades de classe ni aux gens de sa promo. Vu comme il rase les murs, il n'a bien sûr retenu aucun nom de toute l'année, à part ceux de ses profs que sa mère ne fait que lui répéter.

"Non non..." dit Sofía d'un air distant.
"...Et du coup tu as fait des plans pour quels robots?"
"Plein plein. J'en ai un comme ça aussi pour transporter des trucs, mais c'est un oiseau."

Sofía termine les réparations sur sa petite partie, puis rappuie sur le bouton du thorax pour l'allumer. Paul reprend le contrôle de la télécommande et tente de le faire voler sans qu'il ne porte quoi que ce soit pour commencer.

"Et alors?" continue Paul en regardant sa création dans les airs.
"Et alors quoi?"
"Bah il marche comment ce robot oiseau?"
"Bah... Il marche pas..."
"Il vole, c'est ça que tu vas me dire?"
"Non, il existe pas. J'ai jamais fait de robot, juste les plans c'est tout."
"Hein? Mais pourquoi? Ce sera jamais mieux que les miens mais..."

Comme pour le contredire, le robot s'écrase à nouveau comme un pancake sur le sol juste devant eux. Paul a même du faire un petit pas en arrière pour l'esquiver. Une fois qu'il a récupéré son insecte au sol, il regarde Sofía pour qu'elle répondre à sa question.

"Je suis en train de faire autre chose, je verrais plus tard."

Paul la regarde curieusement, comme si l'idée de travailler dans un autre domaine que la robotique était la chose la plus insensée du monde.

...Comme si lui-même n'avait pas prévu de quitter la robotique y'a pas cinq minutes.

"Bon cette fois-ci tu crois que c'est quoi le problème?" dit Paul en tenant son robot vers Sofía.


"C'est le dernier fichier dont je me souviens, je pourrais plus te dire après ce que j'ai lu." avoue Sofía.
"C'est pas grave, merci pour l'aide."

Avec leurs deux cerveaux combinés, une bonne partie des fichiers de Luz a été restaurée. Ce n'est pas certain que tout sera exactement pareil à son réveil mais iel devrait au moins avoir ses capacités de base et sa mémoire, ce qui est déjà pas mal. Et grâce à Sofía, iels ont même pu remettre le fichier responsable des interactions sociales de l'androïde. En ne réecrivant surtout pas la partie qui pose problème, du coup.

Normalement, si Luz retourne au lycée comme iel l'a dit, alors ce sera possible pour son système de traiter plus de personnes en même temps. Quand Paul repense aux pétages de plombs de Charlie de ce matin, il espère au moins que ce point réglé permettra à son boss d'être un peu clément avec lui.

"C'est vraiment plus facile de faire de la programmation avec quelqu'un." avoue Paul en terminant de rédiger quelques lignes.
"Oui, complétement d'accord."

Après quelques minutes, Luz s'allume de nouveau. L'androïde reprend connaissance lentement et une voix qui n'est pas la sienne annonce qu'il va falloir attendre un peu avant que tout charge correctement.

InquiétEs et impatientEs, Sofía et Paul se rapprochent de Luz pour voir comment iel sera une fois le chargement terminé. Quand son système annonce que toutes les fonctions principales sont en ordre, les deux humainEs lâchent un cri de joie. Sofía fait un gros câlin à Luz tellement elle est soulagé. Puis elle attrape le bras de Paul pour qu'il rejoigne leur étreinte lui aussi.

C'est une première pour Luz, et vu sa réaction on dirait que c'est une première pour Paul aussi.


Après une série de tests interminables, Sofía et Paul ont enfin réussi! Et il leur a fallu quoi, une heure? Deux heures? Difficile à dire, mais en tout cas le soleil a déjà bien entamé sa descente crépusculaire.

Les deux petits scientifiques ne font que sauter partout et se prendre dans les bras pour célébrer leur victoire.

Le drone cricket -qui n'a jamais été une sauterelle, en fait- porte fièrement la carcasse vide du sac à dos de Paul. À leur yeux c'est comme s'il leur faisait un tour d'honneur, et ça les ravit.

Wilson au loin est témoin de cette scène, et lui aussi secoue les mains en riant. Si on lui avait dit un jour qu'il serait si content de voir une scène pareille, il ne l'aurait absolument jamais cru.

En fait, ça fait quelques instants que la ligne violette qui mangeait Franky s'est arrêté. Maintenant, elle est en train de remettre l'androïde dans son état d'origine. Les membres de son corps réapparaissent un à un, lentement mais sûrement.

Clara à ses côtés lance des cris de joie le plus doucement possible pour ne pas qu'on l'entende. Très discrètement, elle vérifie que la main gauche qu'elle cache dans sa poche depuis tout à l'heure est elle aussi en train de reprendre son état d'origine. Le filament brillant a atteint le bout de ses doigts. Dans quelques secondes tout devrait revenir à la normale, comme pour Franky. Clara soupire de soulagement.

Quand l'androïde reprend ses esprits, son papa et sa petite sœur sont en train de la câliner si fort qu'elle a l'impression qu'iels vont écraser tout ses circuits. Mais elle ne leur dit rien et retourne le câlin en faisant attention à maîtriser sa force surhumaine.

Et puis une autre drôle d'émotion vient l'envahir. Elle sait que la plus forte qui l'assaille est la joie, mais son système lui indique aussi qu'elle devrait baisser la tête tristement. Franky espère que ce n'est pas un autre bug, elle ne veut vraiment pas inquiéter encore plus Wilson et Clara.

Après tout les humainEs sont des créatures incompréhensibles, alors ça reste probable qu'iels puissent expérimenter de la joie et qu'iels aient envie de pleurer en même temps, non?


Luz réouvre les yeux. Iel n'est plus dans les bras de personne. Les deux scientifiques qui étaient à ses côtés sont retournéEs à l'écran géant sans qu'iel ne s'en rendre compte. Son système semble lui indiquer qu'il vient tout juste de se redémarrer. Encore?

Sofía est en train de glisser ses doigts sur l'écran translucide avec précision, avec l'aide de Paul qui lui indique des zones de l'écran machinalement. Leurs mouvements sont bien plus rapides et confiants que tout à l'heure. Une fois que Luz a fini de reprendre ses esprits, Paul se retourne et vient vers ellui.

"Luz, comment ça va?"
"Heu... Ça va. Mes problèmes sont résolus?"
"Oui Luz, on vient de te réinstaller ton backup." explique Sofía par-dessus son épaule avec un sourire. "Normalement tout devrait fonctionner parfaitement comme avant."

En effet, Luz a retrouvé sa voix d'avant qui est un peu plus aigue.

Quelque chose a du se passer pour qu'iel ne perde pas ses souvenirs de tout à l'heure, maintenant qu'iel y pense. Si Sofía et Paul viennent de l'éteindre pour lui installer un backup qui doit dater de ce matin, iel ne devrait pas se souvenir d'autant d'événements.

La seule option, c'est que Sofía -ou Paul, on n'est jamais sûrE de rien- n'ai installé le backup que pour le reste des fonctions et pas la mémoire. Le problème c'est que si Sofía commence à naviguer dans ces fichiers-là, elle va découvrir des choses qu'elle ne devrait pas.

Luz s'occupe de mettre tous les fichiers de la journée dans un dossier caché derrière un mot de passe, et met à la place des faux avec les mêmes noms pour ne pas qu'il y ait un trou inexpliqué. Iel espère qu'iels ne vont pas checker ça maintenant. Plus tard Dóminus pourra lui mettre de faux souvenirs à cet endroit-là, c'est pas un problème.

Ce qui l'inquiète le plus, c'est que... Le fichier problématique qu'iels ont mis tant de temps à identifier et corriger doit encore être là, s'il était enregistré dans le backup. Luz va devoir trouver un moyen de régler ça dès que possible.

"Il y a du avoir une sacré coupure de courant, c'était n'importe quoi tes fichiers." ricane Paul. "Au moins les souvenirs n'ont pas été endommagés."
"C'est clair. Je sais pas quand c'est arrivé par contre, mais bon. Ça te paraît bien comme ça?"

Paul regarde la partie de l'écran que Sofía lui montre. Il se demande encore pourquoi elle lui demande son avis alors qu'elle est certainement capable de faire se genre de trucs dans son sommeil, mais bon.

"Oui, parfait."

Derrière elleux, l'androïde se bat contre les notifications de son système qui lui demandent la permission pour faire couler les larmes.

Depuis tout à l'heure, Luz tente de se convaincre que Sofía et Paul ne sont pas revenuEs à la normale. L'idée même lui donne envie d'inonder ses vallées des larmes avec toute l'eau salé cachée dans les réservoirs derrière ses yeux.

Luz aurait aimé pouvoir dire au revoir à ces deux autres versions de Sofía et Paul. Ces versions d'une autre temporalité, qui ont fait un gros câlin à Luz sans réfléchir. Qui ont changé sa voix sans problème, juste parce qu'iel leur avait demandé.

Ces versions en somme qui ne la connaissaient pas, et qui n'avaient pas tant d'a priori sur ellui. Ces versions qui avaient l'air de bien l'aimer.

Maintenant, Sofía parle de partir pour travailler sur sa fille. Maintenant, Paul regarde Luz avec son dédain habituel.

Son cœur de robot se serre tellement fort qu'iel a l'impression qu'il va se réduire en poudre d'un moment à l'autre.

"Viens Paul, regarde l'heure. Il faut qu'on ait le temps de régler les affaires autour de Franky. Luz, on se voit plus tard d'accord?"
"Oula oui." répond Paul en voyant sa montre. "J'arrive."
"Attendez!"

Luz a crié malgré ellui. Maintenant que l'attention des deux scientifiques est sur l'androïde, iel se sent un peu ridicule. C'est complétement inutile ce qu'iel va leur demander, et ça n'a pas vraiment de sens, n'est-ce pas? C'est certainement ce que va en penser Dóminus en tout cas, mais iel s'en fout complétement.

"Vous... Je peux avoir un câlin?"

C'est qu'iel n'a presque plus de batterie en même temps, c'est pour ça. Il ne fait pas très beau aujourd'hui, et se charger à la lumière solaire lui prendrait des heures.

Sofía lui sourit, puis s'approche de Luz pour lia prendre dans ses bras.

Luz entend quelques mots murmurés par Sofía qu'iel ne comprend pas, mais ne voit pas les lèvres de la scientifique bouger.


"Oui, iels se sont bien souvenu de tout." dit Sofía à Dóminus avec une sorte de mélancolie dans la voix.

Dóminus ne comprend pas ce ton. C'est une excellente nouvelle que l'espace-temps ne se soit pas écroulé autour d'elleux! L'androïde bleu se connecte à la vision de Sofía pour vérifier les dires de san subordonnéE. On ne sait jamais avec ellui.

Pour une fois, cetTE menteuse d'androïde ne lui a pas raconté n'importe quoi. Les deux scientifiques sont en train de quitter la chambre de Sofía en souriant, et semblent se reparler comme avant. Il arrive même à les entendre parler du dîner d'anniversaire de ce soir, comme si de rien était.

Une fois qu'il quitte ce canal visuel, son attention se porte sur l'espace actuellement devant lui. Avec son déguisement d'humain pour se fondre dans la masse, il marche dans un quartier de la ville qu'il ne connaît pas et qu'il ne devrait pas connaître.

Au loin, il remarque une scène qui lui procure une sorte de gêne qu'il ne saurait pas s'expliquer. Sofía et Paul sont en train de sautiller de joie en regardant un robot insignifiant faire une tâche tout aussi insignifiante. Et comme ça deviendra une habitude dans le futur, iels ne peuvent pas s'empêcher de se prendre dans les bras.

Dóminus regarde ailleurs. Il se demande brièvement si ce qu'il ressent n'est pas le fameux malaise que ressentent les humainEs quand iels voient leurs créateurices être affectueuxES et nian nian. Mais non, ça doit être autre chose. Après tout Dóminus n'est pas un simple humain aux émotions insondables et ridicules.

Maintenant que la ligne temporelle semble avoir repris son cours, il ne lui reste plus qu'une chose à régler. Dóminus rejoint un trio bien particulier, qui est en ce moment plongé dans une conversation sur la pelouse à quelques mètres.

Sans même se présenter et sans aucune considération pour ce qui n'est pas encore sa famille, Dóminus active ses ondes deltas et les force à oublier tout ce qu'iels ont vu. Ensuite, il place la machine à voyager dans le temps qu'il a récupéré plus tôt dans les mains de Clara. S'il y a bien une personne qui a pu voler le bracelet de Sofía sans que personne ne s'en rende compte, c'est bien elle.

Dóminus laisse un message à san agentE, lui expliquant que c'est avec Clara qu'est son précieux bracelet. Une fois qu'il leur aura permis de revenir dans le présent, le bijou restera désactivé jusqu'à ce que Sofía remette la main dessus et rentre un mot de passe.

Le portail temporel tourbillonnant s'ouvre face aux Andrade. Dóminus les y pousse sans trop mesurer sa force. Comme il n'aime pas vraiment ces traîtres, il ne fera aucun effort.

Mais avant de partir, il ne peut pas s'empêcher de regarder une dernière fois ses créateurices. Peut-être que cette fois, avec leur passé quelque peu modifié, qui sait...

Peut-être que cette version de Sofía et cette version de Paul ne l'abandonneront jamais.


Ça fait tellement longtemps que Christian attend dans le petit chemin devant l'immeuble des Andrade qu'il s'est endormi sur l'épaule de son amie Tamara. Elle s'occupe de monter la garde tout en discutant avec Delfina par SMS. Contre toute attente, la situation avec Loli au Cyber se passe beaucoup mieux maintenant, à tel point que c'est Delfina elle-même qui leur a conseillé de les laisser tranquille pour attendre Franky devant chez elle.

Tamara se pose des questions sur ces deux-là depuis un moment, et vu l'allure des derniers messages de Delfina, on dirait qu'elle ne s'est pas trompée. Elle ne sait pas si elle doit souhaiter bon courage à Loli ou à Delfina.

Puisque leur tentative de casse à E.GG n'a pas fonctionné et que Margarita n'a pas noté le numéro de Wilson dans son carnet, il n'y a pas grand chose d'autre à faire que d'attendre ici.

Tamara sourit un peu en lisant le message que vient d'envoyer Delfina. Loli va venir manger à la maison ce soir, et Tamara est aussi invitée. Cette dernière arrête de sourire quand elle pense à la nouvelle, Franky. Il y a des chances que dès que Chris la retrouve, il l'invite immédiatement à manger à la maison aussi.

Enfin, si tenté qu'elle mange... Maintenant qu'elle y pense, Tamara n'a jamais vu Franky boire ou manger quoi que ce soit. Et puis, elle est quand même capable de réciter n'importe quelle page Wikipédia instantanément et de tête. Sans parler de cette allergie à l'eau... Chaque fait en soit n'est pas si surprenant, mais c'est la conjugaison de tous ces points réunis qui la font réfléchir.

Tamara en est presque sûre maintenant: la nouvelle est une androïde, comme elle l'a lu à E.GG plus tôt. Même en étant extrêmement bonne observatrice, elle n'aurait jamais pu se douter une seule seconde de ce fait complétement invraisemblable.

"Les enfants, qu'est-ce que vous faites là?" demande une gentille voix un peu amusée.

Chris se réveille brusquement quand Tamara se met debout pour répondre à la voix.

"Monsieur Wilson!" crie Tamara. "Vous étiez où? Elle est où Franky?"
"Woah! Franky? Elle est là-haut si vous voulez la voir."

Chris cligne des yeux et secoue la tête pour finir de se réveiller, puis il agrippe Wilson fermement par les épaules.

"Comment ça, on a sonné chez vous tout l'après-midi et on vous a pas vu rentrer! Hein, Tamara?" demande-t-il après s'être rappelé qu'il avait dormi pendant une bonne partie de l'aprèm.
"Oui, moi j'ai rien vu."
"Ah bah c'est la sonnette qui doit être cassée alors..."

Sans même écouter la réponse de Wilson, Chris et Tamara le poussent jusqu'à chez lui pour enfin pouvoir parler à Franky. La nouvelle est très surprise de les voir, mais surtout heureuse quand Chris lui avoue qu'il a passé la journée à la chercher.

"Désolée Chris..." commence-t-elle en baissant la tête. "On a du régler un problème familial toute la journée et j'ai pas eu de réseau du tout aujourd'hui."
"C'est pas grave Franky, mais tout va bien?"

Chris jette un regard à l'intérieur de l'appartement dans le cadran de la porte. Clara lui sourit et fait coucou de la main avant de monter dans sa chambre, et Wilson s'est déjà remis à sa machine à écrire pour laisser les jeunes parler. Tout a l'air parfaitement calme et normal. Quel genre de problème familial c'était alors, Chris n'en a pas la moindre idée.

"Et Sofía?" demande Tamara.
"Maman... Maman travaille le samedi, c'est ça. Elle devrait pas tarder."
"Franky, tu peux me dire rapidement dans combien de temps on sera le 2 avril 2035?"
"On sera le 2 avril 2035 dans 19 ans, 3 mois et 7 jours." répond Franky en une fraction de seconde.
"Merci. Et tu peux dire combien ça fait dix mille..."
"Tamara, arrête avec tes questions. Vous verrez ça plus tard." demande Chris.

Wilson s'est à nouveau rapproché de la porte. Il n'aime pas vraiment que Tamara qui déteste Franky se mette à lui poser ce genre de questions pièges. Déjà que quand elle est venue dormir à la maison la semaine dernière, elle est partie fouiner partout dans l'appartement...

Un sourire traverse le visage de Tamara, ce qui n'augure rien de bon. Il va falloir que Wilson reparle de cette jeune fille avec Sofía ce soir. Elle a l'air d'en savoir beaucoup trop.

"Franky, comme on s'est pas vuEs aujourd'hui... Est-ce que tu veux venir manger à la maison ce soir? Y'a Delfi, Loli et Tamara qui viennent hein, c'est pas juste toi."

Chris n'arrive même pas à regarder Franky dans les yeux tant il est embarrassé. Au fond de lui il n'a vraiment pas envie qu'elle le prenne pour un type bizarre, mais il a l'impression que c'est mal parti. Il a quand même avoué y'a pas cinq minutes qu'il avait passé la journée à la chercher et à s'inquiéter pour elle. Son crush est si évident que si elle le rejette ça va vraiment le tuer.

"Désolée Chris, ce soir il y a une fête à la maison."

Chris a envie de disparaître.

"Ma puce, tu peux aller avec tes amiEs. T'en fais pas, c'est pas très grave si tu rates le dîner de ce soir." dit Wilson en plaçant sa main sur l'épaule de sa fille.
"C'est pour maman, ça va lui faire plaisir."

Wilson ne peut pas réfuter cet argument. Il espère juste que sa Clara qu'il entend soupirer depuis sa chambre en haut va survivre au dîner jusqu'au dessert au moins.

Des visages familiers débarquent derrière les deux ados debout dans le cadran de la porte. Comme à chaque fois que Sofía rentre du travail, Wilson l'accueille avec plein d'énergie.

"Ma chérie! Qu'est-ce que tu fais là?"
"Coucou mon cœur, on a du rentrer plus tôt parce qu'il y a eu une coupure de courant alors on a perdu les données que j'avais copié pour travailler sur Fran..."

Sofía n'avait même pas remarqué la présence de Tamara et Chris, et c'est un coup de coude de la part de Paul qui l'a fait s'arrêter de parler.

"Enfin sur un prototype, bref. Bonjour Tamara, bonjour Chris." dit Sofía par politesse. "Mais en tout cas c'est mieux si on travaille ici du coup."
"OK mais qu'est-ce qu'iel fait là?"
"Bonjour, Tamara."

Luz a mis un peu de temps à rejoindre les deux scientifiques, parce qu'iel était complétement perduE dans ses pensées. D'habitude iel doit faire semblant de mal fonctionner pour ne pas être suspectéE d'être ici pour des raisons malfaisantes, mais cette fois-ci iel ne le fait vraiment pas exprès. La journée d'aujourd'hui a eu beaucoup trop de retournements, iel est rincée.

En voyant son amie androïde, Franky lui fait coucou avec un grand sourire. Luz lui retourne le geste de façon un peu maladroite. Ça fait plaisir de la voir, mais pour le bien de la mission iel ne peut pas trop s'attacher à Franky. Depuis qu'iel est dans le passé Luz fait tout pour paraître un peu froide, ce qui ne fonctionne pas du tout. Franky est toujours aussi contente autour d'ellui malgré l'attitude de Luz, ce qui la réjouit autant que ça la terrifie.

"Luz va rester avec nous ce week-end." dit Sofía avant de se rapprocher de son mari pour chuchoter. "J'ai dit à Charlie que c'était pas normal qu'iel reste toutE seulE au labo comme ça."
"Et il a accepté?"
"Évidemment, tu crois quoi. Si Sofía lui dit un truc, il va le faire."

Wilson sursaute. Il n'avait pas vu que Paul s'était lui aussi rapproché pour chuchoter à son oreille. Mais si Sofía reste près de son mari un peu plus longtemps, Paul de son côté s'enfuit bien vite vers le frigo en faisant un geste vers Chris et Tamara pour qu'iels s'en aillent.

"Les enfants, on va devoir travailler." dit Sofía.
"Chris, Tamara, merci d'être venuEs. On peut se voir demain si vous voulez, d'accord?"
"Super, je pourrais venir moi aussi?"
"Évidemment Luz!" lui assure Franky.

Luz préférerait passer la journée de demain à ne rien faire chez les Andrade. C'est déjà un miracle que Sofía ait accepté de l'héberger chez elle pour le reste du week-end. Même si la scientifique a dit à son mari que Charlie lui a donné l'autorisation pour faire sortir l'androïde, le plus juste serait de dire qu'elle l'a forcé à dire oui sous la menace.

Mais il ne faudrait pas oublier que la mission originelle de Luz et la raison de sa présence dans le passé est de séparer Chris et Franky. Comparé à l'enfer d'aujourd'hui, ça devrait être un peu plus chill comme objectif. Il va juste falloir les empêcher de se parler en privé, détourner leur attention sur d'autres trucs, mentir en permanence et leur faire croire des choses...

Le tout en espérant que Dóminus l'appelle en fin de journée pour lui dire que c'est bon, Chris et Franky ne se sont jamais mariéEs dans le futur. Ainsi les androïdes pourront dominer le monde et bla bla bla, peu importe. Le plus important, c'est qu'ainsi Luz pourra enfin connaître la personne qui l'a misE au monde.

À cause de toutes ses mauvaises expériences, Luz est persuadéE que san créateurice est la seule personne au monde qui sera capable de l'aimer sans conditions. Luz a tellement hâte de lia rencontrer et de lui demander des câlins tous les jours.

"Super, on peut toustes se voir au parc demain!" s'écrie Chris, tout joyeux. "Mais Franky, promet-moi de m'envoyer un message si finalement tu peux pas, OK?"
"Archivé!"
"À demain!" dit Luz avec un faux sourire.

Mais Chris ne remarque rien. Comme d'habitude il ne regarde personne à part Franky. Il aimerait beaucoup lui faire un câlin pour lui dire au revoir, mais tous ces yeux qui le scrutent l'intimident. En plus la majorité de ces yeux appartiennent à des membres de sa famille, la situation est beaucoup trop gênante. Chris prend donc la main de Tamara, dit au revoir à tout le monde et puis file en vitesse vers chez sa maman.

"Et passez le bonjour à Margarita!" s'écrie Wilson avant que les enfants ne soient trop loin.


Margarita court le plus vite possible jusqu'à sa maison. Ce n'est pas dans ses habitudes d'arriver autant en retard, mais ce n'est pas sa faute. Le café qui a préparé le gâteau a eu une erreur dans les commandes, et elle l'a finalement récupéré à l'heure où elle aurait du être chez elle.

Durant toutes ses années à gérer le Cyber, elle n'a jamais eu de retard de commande pareil. Ou en tout cas, elle ne s'en souvient pas. Bon, il faut dire que sur la fin de sa carrière c'est surtout des serveureuses automates qui faisaient une bonne partie du boulot, mais quand même.

Quand Margarita franchit la porte de sa maison, elle est tout en sueur. Elle se demande si elle va réussir à se faufiler dans la salle de bain avant que quelqu'un la remarque.

Il y a plein de bruit dans le salon, ce qui lui fait chaud au cœur. Margarita est habituée à ce qu'il y ait beaucoup de monde à la maison étant donné le nombre de co-parents et d'enfants qu'elle a, mais pas à ce point. Alors qu'elle monte les escaliers en vitesse le plus discrètement possible, on l'arrête.

"Marga, tu vas où?"
"Couvre-moi s'il te plaît Wilson. Je dois vraiment aller me laver vite fait, je suis toute dégueu."
"D'accord!" répond-il en chuchotant. "Donne-moi le gâteau alors, je m'en occupe."
"Merci beaucoup, à toute!"

Et elle file à l'étage.


Clara descend les escaliers en mettant bien tout le poids de son corps sur chaque marche qu'elle passe. Quand elle est fatiguée ou en colère, il faut que tout le monde soit au courant.

"Qu'est-ce que t'as ma puce?" demande Sofía en sortant de son laboratoire secret. "Pourquoi t'es toute fatiguée comme ça? Et arrête de trainer des pieds s'il te plaît."

C'est vrai ça, pourquoi est-ce que ses jambes lui tirent autant alors qu'elle a passé sa journée à l'intérieur? Ça doit être à cause du cours de sport de mercredi, ou un truc comme ça.

Clara rejoint son père dans la cuisine, qui est en train de finir le repas de ce soir. Elle lui demande si il a bientôt fini parce qu'elle à trèès faim, et il lui propose qu'elle l'aide pour que ça aille plus vite. Comme Luz est déjà en train de l'aider, Clara n'a aucune envie de contribuer.

Tout à l'heure elle a du rendre à Luz son mystérieux bracelet, parce que l'androïde a correctement deviné que c'était elle qui lui avait pris. Même si Clara a tout fait pour mentir et le garder, elle a du céder sous la pression de ses parents qui l'ont bien rouspétée ensuite.

Clara déteste vraiment cetTE satanéE Luz un peu plus chaque jour.

Franky et Paul sortent à leur tour du laboratoire, puis ferment derrière elleux en tournant les œufs du frigo.

"Si tu veux pas aider à cuisiner alors mets la table ma belette." demande Wilson.
"Je vais t'aider Clarita!"

Franky est pleine d'énergie, peut-être même un peu trop pleine d'énergie. On dirait que son système fuse à deux mille à l'heure, ce qui surprend un peu ses parents. Paul de son côté n'a pas l'air choqué, et décide de sortir les verres pour esquiver toute question ou conversation indésirée.

Le repas se passe mieux que s'imaginait Sofía, elle doit dire. Paul arrive à se retenir de se moquer de Wilson une fois sur deux. Wilson de son côté arrive à lui lancer une pique toutes les dix minutes au lieu de deux.

Sofía se contente de ce qu'elle a. Au moins Paul n'a pas encore quitté la table en inventant une excuse bidon pour rentrer, et Wilson ne lui lance pas de regard désespéré pour qu'on en finisse.

Quant à Clara et Luz, elles sont prises dans une conversation toutes les deux avec Franky et on les entend parfois rigoler. Là encore, c'est une surprise. Il y a une heure Clara regardait Luz comme si elle voulait la maudire sur 56 générations, et maintenant elle s'amuse avec ellui.

C'est une bonne chose pour Clara, et c'est une bonne chose aussi pour Luz. Ça fait plaisir de savoir que cetTE androïde passe un bon moment ici plutôt que d'être enfermée toutE seulE à E.GG. Il va falloir que Sofía emploie les grands moyens pour convaincre Charlie que les Andrade peuvent l'élever à la maison, mais elle va le faire.

Luz regarde subitement Sofía en hochant la tête avec un sourire. Puis iel semble se rendre compte de quelque chose, et repart discuter avec Franky et Clara. Sofía n'a pas très bien compris cette réaction, mais en même temps ce n'est pas la première fois que ça arrive. Un jour Sofía arrivera à comprendre Luz.

Il y a bien un moment durant le repas où Sofía a du empêcher Paul de sortir sa tablette. C'est incroyable comme il est tout le temps dessus à faire on ne sait quoi, ça a vraiment le don de l'énerver.

Si Sofía pouvait voir son ami sans qu'il la voit, peut être qu'elle se rendrait compte que Paul n'est sur sa tablette que quand Franky est dans la même pièce que lui. Mais il faudra encore une année avant que Sofía ait le droit de le savoir.

Au moment du dessert, Sofía part dans le salon chercher des paquets dans le plus bas étage de la bibliothèque. Quand il voit les noms sur les cadeaux, Paul regarde sur le côté tout confus. Il décide de prendre celui labelisé "De Sofía" en premier.

Dans le grand paquet il y a un moyen paquet. Et dans le moyen paquet il y a un petit paquet. Et dans le petit paquet de la taille d'une boîte à alliance, il y a... Deux toutes petites ailes. Les motifs qui la parcourent sont magnifiques et extrêmement détaillés. Quand on les incline, elles reflètent la lumière en un milliers de couleurs irisées. Tout le monde quitte sa place pour pouvoir les regarder de plus près.

"C'est tout petit! C'est quoi ça?"
"Des ailes de mouche..." souffle Paul.
"C'est des ailes que j'ai fait pour la mouche Mejía! J'ai beaucoup travaillé dessus, et normalement c'est à sa taille et tout mais tu me diras, je peux le régler."

Juste en les regardant, Paul peut affirmer qu'elles sont déjà à la bonne taille. Après tout sa mosquita est sa première invention fonctionnelle, il la connaît mieux que personne. Après l'échec de son cricket livreur, c'est Sofía qui l'a encouragé à faire quelque chose d'un peu moins ambitieux. Sa petite mouche a pris vie entre les cours de la fac, et fonctionne parfaitement encore aujourd'hui.

Hélas! Si Sofía n'était pas aussi familière avec sa mouche, il s'en servirait constamment pour espionner la programmation de Franky.

Et c'est ça le problème. Même sans avoir ce cadeau devant lui, il savait pertinemment que Sofía ne pourrait jamais oublier sa mouche. Et vu que Walter ne pose pas non plus de questions sur son bébé, on dirait que lui aussi s'en rappelle. Mais la fac ça remonte à vingt ans quand même, pourquoi est-ce qu'iels se rappellent de ça?

Surtout qu'une fois leurs diplômes obtenus, Paul est bien vite parti faire ses trucs dans son coin en les laissant gérer leur vie de famille dont il se sentait exclu. C'est pas comme si iels avaient beaucoup vu sa petite mouche après ça, vu que Paul ne venait plus les voir de toute façon.

Jusqu'à ce que Sofía le retrouve pour le narguer méchamment. Jusqu'à ce qu'elle insiste pour habiter dans le même immeuble que lui pour une raison cruelle.

Ce cadeau empoisonné là. Il va falloir vérifier qu'elle n'a pas inventé ces ailes dans un but malveillant. Qui sait, peut-être qu'en les installant sur sa mouche elle pourra voler sa technologie, ou la saboter pour qu'elle s'écrase contre un mur... Ha ha. C'est ce que Paul ferait, en tout cas.

"Merci, Sofi."
"De rien, ça me fait plaisir. Il faudra que je demande à la mouche si ça lui plaît aussi, j'ai essayé de faire en fonction de ce qu'elle aime bien."
"Comment ça?" demande Clara. "C'est une mouche, et elle aime des trucs?"
"Oui, elle parle pas comme ta grande sœur mais elle sait écrire des messages." répond Wilson. "Et si elle voit un truc qu'elle aime pas, elle envoie plein de points d'exclamation à la suite!"
"J'ai changé ça quand même depuis Winston. Maintenant elle le dit avec des mots."
"Wilson" corrige Sofía, mais Paul ne réagit pas. "C'est cool ça! Elle va pouvoir dire ce que je peux changer alors, si ça lui plaît pas."

C'est quand même beaucoup d'efforts pour juste saboter sa mouche, se dit Paul. Mais en même temps Sofía n'est pas la -deuxième!- meilleure dans son domaine pour rien, alors il faut rester méfiant.

Déjà qu'elle se ramène avec un truc aussi joli et attentionné juste pour prouver qu'elle est meilleure que lui...


Quand Margarita arrive dans le salon après s'être changée, tout le monde l'accueille avec joie. Roby est le premier a se frayer un chemin entre tout le monde pour lui faire un gros câlin.

"Maman! T'es enfin là, on va pouvoir commencer les cadeaux!"
"Coucou mon chat. Vous m'avez attendu? Trop gentil."
"Évidemment maman." répond Andrés en lui pointant la pile de cadeaux du doigt.

Paul qui s'est aussi rapproché de Margarita regarde le tas et prétend être embarrassé par tous les cadeaux dans le coin de la pièce, comme s'il venait tout juste de les remarquer. En voyant cela, Margarita lui tapote l'épaule et pouffe. Tout pour les caméras comme d'habitude, il ne changera jamais celui-là. Depuis qu'elle l'a rencontré il est exactement le même. Bon, peut-être pas exactement exactement.

On dirait que Paul est en train de compter les cadeaux pour être sûr que personne n'en a oublié, comme chaque année. Clara décide de prendre l'initiative et chope le paquet qu'elle a ramené en criant:

"Allez c'est l'heure des cadeaux!"
"Mais on fait pas ça au dessert?" demande Dulce.

Mais mais c'est trop tard, tout le monde est déjà parti chercher son cadeau pour que Paul les ouvre tous.

Au moins, on ne peut pas dire que c'est difficile de lui trouver un cadeau qui lui fera plaisir. Même s'il est techniquement à la retraite maintenant, ce n'est pas pour autant qu'il va arrêter de faire des robots. Et si on ne s'y connaît pas en robotique, on demande de l'aide à Sofía ou alors on lui offre un puzzle ou un gadget vaguement électronique qu'on a glané dans la semaine.

C'est la technique favorite de son frère Segundo depuis qu'ils sont tout petits. Cette année-là il n'a pas pu venir parce qu'il est occupé ailleurs, ce qui réjouit beaucoup vous savez qui. Si ça ne tenait qu'à Paul, son frère ne viendrait jamais ruiner leurs anniversaires, mais c'est Margarita qui l'invite toujours et il n'a pas le cœur de lui refuser ça. D'ailleurs il va falloir qu'il se souvienne de lui souhaiter bon anniversaire aussi, il ne l'a toujours pas fait et il commence à se faire tard.

Une fois tous les cadeaux distribués et ouverts, Franky se rapproche de Paul tout en appuyant sur sa narine. Vu sa technologie actuelle elle pourrait très bien baisser son volume dans son interface directement, mais est-ce que Franky serait vraiment Franky sans ce genre de charmants petits détails?

"Paul, en plus de notre cadeau avec Chris, on voulait te dire quelque chose de spécial."

Le ton de Franky est très solennel. Chris les rejoint quand il les voit parler tous les deux et place sa tête sur l'épaule de sa femme avec un air sérieux lui aussi. Paul se raidit complétement. Maintenant il a peur que ce soit quelque chose de grave.

"On veut te dire le nom de notre enfant en premier, c'est notre idée à tous les deux. Comme ça tu nous dit si ça te paraît bien, d'accord?"

Paul ne sait même pas quoi dire. Il était à des lieux de s'imaginer qu'iels lui faisaient confiance pour une chose aussi importante. Ça fait des années que Franky se tue à la tâche pour que cet enfant voit le jour. Et même si Chris n'y connaît rien en robotique, il passe si souvent à la maison pour pouvoir poser des questions à Paul et à Sofía qu'il a finit par participer à sa création presque autant qu'elle.

C'est beaucoup trop d'émotions pour ce pauvre père qui n'a toujours aucune idée de comment leur répondre. Il commence même à douter de ce qu'il a entendu. Pourquoi lui? C'est difficile pour Paul de ne pas repenser à tous les sales coups qu'il a fait à cette pauvre Franky, et il se demande encore pourquoi elle et sa mère lui ont tout pardonné. Ce n'est pas comme s'il n'avait pas fait énormément d'efforts pour changer, mais ça lui paraît toujours invraisemblable qu'il ait eu droit à une si grande seconde chance.

Chris emmène son papa et Franky encore plus loin du reste des invitéEs. Les futurs parents veulent être sûrEs que personne ne va les entendre.

Quand Paul entend le nom de leur enfant, évidemment qu'il le valide immédiatement.


Après avoir remercié Clara pour son cadeau, un dessin fait à la va vite de quelque chose qui ressemble vaguement à un robot, Paul s'attend à ce que cette mascarade soit terminé. Ce n'est pas possible que le cadeau labellisé "Par Wilson" soit autre chose qu'une sorte de farce, genre un petit diablotin qui va lui sauter dessus dès qu'il va ouvrir le paquet.

À sa grande surprise, il n'en est rien. Enfin, à bien y réfléchir, le cadeau de Walter n'est pas du tout surprenant. Au fond du paquet se trouve un livre d'un auteur qu'il connaît un peu trop bien.

"Merci Wilfried, il fallait pas."
"Je reconnais ton sarcasme Paul." rigole Wilson. "Mais je te promet que ça va te plaire, c'est mon dernier best seller : 'Laisse le bonheur entrer dans ta vie'. Il y a plein de conseils dedans qui sont vraiment bien."

Comme si Paul n'était pas au courant de l'existence de ce bouquin. Il est obligé de le voir dans toutes les vitrines des vendeurs de livre qu'il visite, ça le poursuit.

En regardant la couverture du livre une dernière fois avant de le mettre sur la pile de cadeaux ouverts en se promettant de ne jamais en lire la moindre page, il se fait une note mentale pour plus tard.

Tout comme Franky, son Roby est programmé pour avoir accès à toutes les informations disponibles sur internet. C'est l'une des dernières fonctionnalités qu'il lui a rajouté, parce que ce n'est pas un aspect de Franky sur lequel il a travaillé donc c'était plus compliqué à répliquer.

Cependant, il va falloir qu'il mette une sorte de contrôle parental pour que Roby ne puisse jamais lire les e-books et autres pages web qui parlent d'un certain auteur en particulier.


Pour la première fois en vingt ans, le livre que Winston a offert à Paul n'est pas l'un des siens. C'est bien simple: entre ses vingt et quarante ans, Walter prétendait participer aux cadeaux d'anniversaire que Sofía lui faisait. Et entre ses quarante et soixante ans, il avait toujours un de ses nouveaux livres de derrière les fagots à lui offrir, comme s'il les pondait spécifiquement pour l'occasion.

C'est pas croyable la quantité de bouquins qu'il a sorti dans toute sa carrière, allant des livres de développement personnel aux recueils de contes en passant par tout un tas de genres et de publics très différents. Sans jamais lui avouer, Paul a quand même finit par en lire quelques uns dans le secret et il s'avère qu'ils sont plutôt pas mal. C'est peut-être pas pour rien qu'une bonne partie d'entre eux sont des best-sellers, d'ailleurs.

Mais en tout cas cette fois-ci, c'est un autre nom qui se trouve sur la couverture du cadeau de cette année.

"C'est la libraire qui me l'a recommandé. Je me suis dit que ça nous servirait à nous deux en plus!"
"Super Walter, ça va sûrement t'être utile à toi ça c'est sûr." ricane Paul en lisant la quatrième de couverture. "C'est moi que les enfants félicitent le plus, donc je pense que ça va le faire merci."

C'est évidemment complétement faux, mais passons.

Le livre que Winston lui a offert s'intitule "Comment devenir le meilleur grand-père que vous pouvez être : cent conseils incontournables pour tout futur papy qui se respecte". C'est bien un nom barbant et long digne d'un des livres de Wolfrang, se dit Paul. S'il ne savait pas que c'était un autre auteur qui l'avait écrit, il lui aurait attribué sans le moindre doute.

Les deux continuent à discuter sur le canapé. Wilfried ignore ses ronchonnements, et Paul ignore sa joie de vivre. Et ils restent quand même comme ça ensemble, sans qu'aucun des deux ne s'en aille en vitesse en prétextant être appelé ailleurs.

Paul et Wilson continuent à parler du livre, de la fête de ce soir, des futurs projets de Paul, des brouillons de Wilson, de l'état de la maison, et bien sûr des choses qu'il reste à préparer pour l'arrivée de lia petitE dernièrE de la famille.

À l'autre bout de la pièce, Sofía les regarde en souriant. Même si en ce moment elle est pleine d'appréhension pour Franky et Chris, même si sa pire ennemiE est toujours en train de courir on ne sait où, et même si elle n'arrête pas de penser à leur fils et à ce qu'il est devenu au court des années...

Juste en les voyant, tout ces nuages de doutes se sont envolés.

Sofía peut contempler ses deux ciels en paix.

Capítulo 1 | Fanfictions | Notes d'écriture | Extra 1 (TBA) ⏵

Commentaires

Anonyme sur le chapitre 2 11/05/2025 21:18

Tamara sent ses joues rougir. C'est vrai qu'elle est toujours sur ses gardes quand de nouvelles personnes arrivent dans leur groupe, mais ses angoisses lui paraissent justifiées. Imaginez qu'un jour s'amène quelqu'un que tout le monde juge meilleurE qu'elle, et qu'elle soit forcée de quitter le groupe? Cette perspective hante tellement son esprit qu'elle est obligée de le verbaliser de temps en temps pour lâcher un peu de lest.
Le parallèle étrange entre Paul et Tamara là! Avec Tam qui veut pas perdre Chris, et Paul qui veut pas perdre Sofía.

Anonyme sur le chapitre 2 25/05/2025 20:52

Cette fois c'est Luz qui le regarde comme si iel allait le noyer dans une piscine.
Paul en mode je me noie je me noie bloubloublou!

Anonyme sur le chapitre 2 20/05/2025 00:34

[Paul] a toujours une énergie folle et n'en manque pas une pour lancer un rire sarcastique ou sautiller partout autour de Sofía comme un cabri.
L'image mentale me bute c'est donc validé 🤣

Anonyme sur le chapitre 2 18/06/2025 21:06

Primero, Luz ne se réjouit pas d'avoir une partie du corps qu'iel doit créditer à la famille Mejía. Une voix rassurante lui propose de penser que Paul bluffe pour se faire bien voir, et iel décide de la croire sans hésiter.
Man baby j'ai une mauvaise nouvelle pour toi 😔Trop de Mejía a créditer là pour la création c'est trop.

Anonyme sur le chapitre 2 01/06/2025

"J'y pense un peu, mais je peux pas faire ça maintenant." dit [Sofía] en baissant la tête. "On verra plus tard."
Sofía qui fait comme Franky waah!

Anonyme sur le chapitre 2 01/06/2025 02:31

"Luz va rester avec nous ce week-end." dit Sofía avant de se rapprocher de son mari pour chuchoter. "J'ai dit à Charlie que c'était pas normal qu'iel reste toutE seulE au labo comme ça."
"Et il a accepté?"
"Évidemment, tu crois quoi. Si Sofía lui dit un truc, il va le faire."
Wilson sursaute. Il n'avait pas vu que Paul s'était lui aussi rapproché pour chuchoter à son oreille.
On avait évidemment en tête cette image qui est un de nos passages préférés (et c'était même pas volontaire, à moins que...)
Sofía, Paul and Wilson standing together at the Andrade.

Anonyme sur le chapitre 2 01/06/2025 02:58

C'est quand même beaucoup d'efforts pour juste saboter ma mouche, se dit Paul.
Cette phrase me bute c'est vraiment juste Paul saison 1 mais à l'envers là. C'est quand même beaucoup d'efforts pour voler un chargeur que Sofía te donne sans que tu lui demande le lendemain haha.

Anonymes sur le chapitre 2 02/062025 03:45

Paul et Wilson continuent à parler du livre, de la fête de ce soir, des futurs projets de Paul, des brouillons de Wilson, de l'état de la maison [...]
  • Nous des qu'on peut sous-entendre que tout le monde habite ensemble dans une grande maison là.
  • Écoutez a un moment Sofía est millionnaire elle peut se le permettre la hein 🤣
  • The economy is in shambles mais pas son compte bancaire i'll tell you that much
  • Charlie a dit 1 fois dans 1 ligne random que le prix du concours c'était 1 million pour ne plus jamais en parler ensuite et vous pensez que je vais oublier ça?

Anonyme sur le chapitre 2 16/06/2025 03:49

Si ça ne tenait qu'à Paul, son frère ne viendrait jamais ruiner leurs anniversaires, mais c'est Margarita qui l'invite toujours et il n'a pas le cœur de lui refuser ça.
Le fait qu'on ait rabiboché Paul et Wilson mais pas Paul et Segundo là 🤣 Désastreux

Anonyme sur le chapitre 2 19/06/2025 00:11

C'est difficile pour Paul de ne pas repenser à tous les sales coups qu'il a fait à cette pauvre Franky, et il se demande encore pourquoi elle et sa mère lui ont tout pardonné. Ce n'est pas comme s'il n'avait pas fait énormément d'efforts pour changer, mais ça lui paraît toujours invraisemblable qu'il ait eu droit à une si grande seconde chance.
"Le ton est méga solennel là". Oui mais la série s'arrête pas dessus aussi pour des raisons évidentes, mais n'oublions pas que Paul a essayé d'assassiner Franky et s'est réjouit en la voyant supposément décédée hein tout de même mdr.

Anonyme sur le chapitre 2 16/06/2025 03:54

À l'autre bout de la pièce, Sofía les regarde en souriant. Même si en ce moment elle est pleine d'appréhension pour Franky et Chris, même si sa pire ennemiE est toujours en train de courir on ne sait où, et même si elle n'arrête pas de penser à leur fils et à ce qu'il est devenu au court des années...
Aussi pas de good ending pour Dóminus la oupsi... Lui en mode haha peut-être que cette fois je vais pas être abandonné et juste si ouin 😔